Entre le congrès du PS ce week-end et celui des Républicains la semaine dernière, la campagne de 2017 est-elle lancée ?
Le congrès du PS a été celui de l’écrasement du débat interne et d’une forme d’autosatisfaction indécente. Six millions de Français sont aujourd’hui soit au chômage total ou partiel. Deux millions de jeunes ne sont ni à l’école, ni en formation, ni en emploi. De plus en plus d’artisans et d’agriculteurs ne peuvent se verser un euro de salaire. Il y a des retraités qui ne font qu’un repas par jour, des quartiers qui divorcent de la République sous la pression des trafiquants et des intégristes. Nous devrions être en situation d’urgence. Et que fait-on au gouvernement ? On attend la reprise, on marchande avec la commission européenne, on négocie avec les frondeurs. Face à cela, soyons francs, les Républicains ont encore tout à prouver, en termes de rassemblement, de capacité à proposer une alternative puissante et claire.
En quoi consiste votre feuille de route présentée mardi soir à vos amis de Force républicaine ?
La priorité numéro 1 est de gagner les élections régionales. Avec mes amis de Force républicaine, nous serons partout où le bilan de la gauche doit être condamné et où la SARL familiale Le Pen doit être stoppée. Je mettrai en particulier toute mon énergie pour que Valérie Pécresse soit la première femme à diriger la région capitale. Ensuite, il s’agit de dire précisément aux Français où sont les blocages et quels sont les efforts à faire pour remettre le pays en marche. Je ne veux pas répondre au stupide anti sarkozysme d’hier par un anti hollandisme primaire mais proposer un projet au service d’une vision conquérante de la France. Ce projet nous y travaillons depuis des mois sans relâche avec mes équipes. Nous allons poursuivre ce travail, avec un objectif : faire de la France la première puissance européenne en moins de dix ans.
La droite doit-elle promettre d’abroger massivement les lois votées par la majorité ?
La droite doit reconstruire, contrairement à la gauche qui n’a eu de cesse de détruire l’héritage du quinquennat précédent. Dans cet esprit je propose un changement profond de l’organisation du travail, de la fiscalité et des charges des entreprises, de la formation en alternance, de l’école et de l’organisation du territoire. Ce changement n’est compatible ni avec la réforme du collège - qui tourne le dos à l’excellence, abandonne la clarté pédagogique et le bon sens programmatique -, ni avec celle des territoires. Elles devront être abrogées pour faire place à une plus grande autonomie des établissements scolaires et au rapprochement des régions et des départements que nous avions initiés avec Nicolas Sarkozy.
Etes-vous favorable au prélèvement à la source de l’impôt ?
Je suis d’abord favorable à la baisse des prélèvements obligatoires. Avec une priorité absolue : l’encouragement à l’investissement pour libérer les entreprises et créer des emplois. L’économie française est en panne et il n’y a guère que le gouvernement pour applaudir les frémissements de son redressement qui doit tout à la politique monétaire de la BCE. Nous compterons cent mille chômeurs de plus à la fin de 2015. Le niveau historiquement bas des investissements ces trois dernières années va peser très lourd sur la croissance et sur l’emploi jusqu’à la fin d’un quinquennat, dont il ne faut plus attendre de réformes. Le prélèvement à la source ne peut s’appliquer que sur une fiscalité revenue à des niveaux raisonnables, c’est-à-dire comparable à ceux de nos principaux partenaires. On en est très loin.
Faut-il baisser les prélèvements de 100 milliards comme le suggère Nathalie Kosciusko-Morizet ?
La droite ne doit pas retomber dans les errements du passé et promettre ce qu’elle ne pourra tenir. J’ai proposé de réduire de 110 milliards les dépenses publiques en cinq ans, de stabiliser les prélèvements obligatoires, de baisser de 50 milliards les charges des entreprises pour retrouver le chemin d’une croissance riche en emploi. La baisse des impôts sur les ménages doit être l’objectif, mais elle ne peut que résulter d’une politique de compétitivité.
Vous souhaitez la suppression définitive des 35 heures. Pourquoi cette question divise-t-elle toujours votre parti ?
J’ai formulé ma proposition de supprimer la durée légale du travail et de renvoyer cette question à des accords d’entreprises dans les limites du droit européen dès 2006. Craignant que les Français n’y soit pas prêts, cette idée n’avait pas été retenue en 2007. Le tour de France que j’effectue depuis deux ans me montre chaque jour que ce n’est plus le cas. Personne à droite ne considère plus que les 35 heures sont une bonne chose ; ceux qui hésitent à les supprimer pensent que c’est un risque électoral. Je ne raisonne pas comme cela.
Entre Nicolas Sarkozy, qui prône l’assimilation, et Alain Juppé, qui défend l’intégration, où vous situez-vous ?
Ce débat est inutile. L'intégration c'est ce qu'on exige d'un étranger qui souhaite être autorisé à s'installer durablement en France et nous avons encore beaucoup de progrès à faire pour que tous les étrangers concernés remplissent cette condition. L'assimilation c'est ce qu'exige le code civil pour l'accès à la nationalité française. Devenir français, c’est s’approprier un héritage commun. Intégration et assimilation ne s’opposent pas mais s'appliquent à des étapes différentes du parcours d'un étranger en France.
Les Français vous semblent-ils réceptifs à des propositions qui ne pourront être appliquées, au mieux, qu’après 2017 ?
S’il s’agit de ne proposer que des changements à la marge, on peut attendre les dernières semaines d’une campagne pour le faire. Mais quand, comme moi, on veut réformer en profondeur, il faut préparer les Français à des transformations radicales. La suppression de l’ISF, le passage des de la fonction publique aux 39 heures, la refonte du code du travail, par exemple, sont des sujets sensibles qui exigent l’adhésion d’une volonté populaire.
Vous avez cosigné une lettre pressant Nicolas Sarkozy de lancer le processus d’organisation de la primaire. Votre parti n’est-il pas prêt ?
L’organisation d’une primaire est une démarche totalement nouvelle pour la droite et le centre. Le but est de donner la parole à des millions de Français. Il ne reste pas trop de temps pour se préparer sérieusement.
Les sifflets que vous avez essuyés au congrès augurent-ils d’une campagne à couteaux tirés ?
Alain Juppé a été sifflé, j’ai été sifflé, faudra-t-il qu’il ne reste qu’une seule personne sur l’estrade pour que silence soit assuré ? Il en faut plus pour m’intimider, et au surplus, je sais que l’immense majorité de nos militants et tous nos électeurs sont pour un débat serein et constructif entre nous. Ce débat entre des lignes politiques et des méthodes différentes pour gouverner le pays est sain et doit avoir lieu.
Comment convaincre ceux qui redoutent cet exercice ?
Les Français ont droit à d’autres choix qu’à un remake de l’élection de 2012. Sans primaire ouverte, Les Républicains risquent de se recroqueviller sur eux-mêmes alors que notre défi est au contraire de solliciter et rassembler toutes les sensibilités françaises. François Hollande fait tout pour éviter des primaires à gauche par crainte du jugement populaire. Nous, Républicains, n’ayons pas peur du peuple.
Alain Juppé explique qu’il a pour lui l’opinion et que Nicolas Sarkozy a le parti. Et vous ?
J’ai peut-être le projet !