Excellent analyse d’Alain Lambert sur son blog concernant la situation de l’emploi des jeunes et le débat sur le CPE.
Parmi les commentaires qu’elle suscite, l’un d’entre eux écarte toute possibilité de comparaisons avec l’Angleterre au motif que ce pays dissimulerait une partie de ses chômeurs en les déclarant inapte au travail.
Cette affirmation est fausse et je vais le démontrer.
L’Angleterre est l’Angleterre comme aurait dit le Général de Gaulle et nous n’avons nul besoin de déformer la vérité pour expliquer que toutes les politiques appliquées dans ce pays ne peuvent pas forcément l’être dans le notre.
En faisant croire aux français que l’Angleterre est le royaume de la précarité on veut détourner leur attention d’une réalité. La politique de Margaret Thatcher, de John Major et de Tony Blair a permis de réduire de plus de moitié le chômage. Le plus intéressant dans cette affaire est peut être le fait que deux majorités différentes ont appliqué la même politique de l’emploi pendant plus de douze ans !
J’ai fait réaliser une étude sérieuse sur la comparaison du marché du travail en France et en Grande Bretagne et je veux en livrer ici quelques extraits :
La France et le Royaume-Uni présentent de nombreuses similitudes tant au plan de la population que de l’économie, ce qui rend pertinent une comparaison entre les performances des deux pays.
Le Royaume-Uni offre un tableau nettement plus florissant que son voisin d’Outre-Manche en terme d’emploi : avec une population sensiblement identique (60 millions au total, dont 39 millions en âge de travailler), on compte 28 millions d'emplois au Royaume-Uni, contre 24 millions en France. Ces emplois ne sont pas de moins bonne qualité qu’en France, le temps partiel subi est moins élevé au Royaume-Uni de même que le nombre de contrats à durée déterminée.
Le quasi-plein emploi britannique (5,2% de taux de chômage) est au demeurant est une réalité tangible dont n’importe quel jeune Français peut témoigner. Dans ces bons chiffres, le Royaume-Uni ne peut être exempt de manipulation statistique, mais celles-ci n’expliquent pas tout. L’essentiel de la baisse s’est produit entre 1993 et 1997 à la faveur d’une combinaison de facteurs parmi lesquels la flexibilité des salaires et des conditions d’emploi a joué un rôle déterminant.
I- La réalité du plein-emploi britannique
Le tableau ci-après fait le point sur les principaux chiffres en matière d’emploi entre les deux pays en 2004-2005 :
| Royaume-Uni | France |
| 59,8 | 62,2 |
| 30,2 | 27,5 |
| 1,4 | 2,7 |
| 28,8 | 24,7 |
dont -Temps plein | 21,4 | 20,6 |
-Temps partiel | 7,3 | 4,1 |
| 20,3% | 19,4% |
| 72,4% | 63,4% |
| 5,2% | 9,8% |
| 21,2% | 41,7% |
| 12,1% | 22,0% |
Alors que la population en âge de travailler est à peu de chose près la même en France et au Royaume Uni (250 000 de plus au Royaume Uni en 2004), on compte 3,8 millions d'emploi de plus au Royaume Uni qu'en France qui se répartissent ainsi :
-3,9 millions d'emplois de services de plus au Royaume Uni ;
-600 000 emplois industriels de plus au Royaume Uni ;
-700 000 emplois dans l'agriculture de plus en France.
S'agissant en particulier des services il y a notamment :
-1,1 millions d'emploi dans la distribution de plus au Royaume Uni ;
-500 000 emplois dans les services financiers au Royaume Uni ;
-700 000 emplois de plus dans les services immobiliers au Royaume Uni ;
-800 000 emplois de plus dans le secteur non marchand au Royaume Uni dont 700 000 de plus dans l'éducation, 400 000 de plus dans la santé et 300 000 de moins pour le reste.
En terme d'évolution depuis 1998, on constate :
-une convergence dans le domaine industriel : l'écart s'est réduit de moitié car le Royaume Uni a perdu beaucoup d'emploi et la France en crée un peu ;
-un écart grandissant dans le domaine agricole : la France crée des emplois, le Royaume Uni en perd ;
-dans les services, la progression des emplois publics est plus forte au Royaume Uni qu'en France : +1,1 millions d'emplois créés au RU, + 700 000 en France. En revanche, la progression est comparable dans les services marchands : +1 millions d'emploi supplémentaires dans les deux cas.
II Y a t’il un camouflage statistique ?
La critique classique des statistiques britanniques est le « camouflage » que le gouvernement opérerait par un transfert massif des chômeurs de longue durée sur le régime des pensions d’invalidité.
Sur ce point, nous avons donc cherché à comparer le nombre de bénéficiaires dans les deux pays :
-(i) de pensions d’invalidité, rente d’accident du travail et de maladies professionnelles,
-(ii) d’allocations chômages,
-(iii) de minima sociaux.
(i) Au Royaume Uni, le nombre de personne adultes bénéficiaire d’une pension invalidité et incapacité de travail est en constante augmentation passant de 1,2 millions en 1993 à 2,5 millions en 2003.
En France, le chiffre le plus récent de bénéficiaires d’une rente accident du travail ou maladie professionnelle donne 2.1 millions de titulaires mais doit être pris avec précaution car il date de 1985. On compte par ailleurs 750 000 titulaires de l’allocation adultes handicapés et 44 000 bénéficiaires de pension invalidité. De manière synthétique, L’INSEE évaluait en 2003 à 2, 3 millions le nombre de personnes handicapées vivant d’une rente ou d’une pension.
(ii) Le nombre de chômeurs indemnisé était de 0.9 million au Royaume Uni et de 2,5 millions en France en septembre 2005.
(iii) l' « income support », équivalent des minimas sociaux français, bénéficiait à 2,1 millions de personnes en février 2005, chiffre a peu près constant depuis 1997. Le nombre de bénéficiaires de minima sociaux est estimé à 2,25 millions en France métropolitaine (hors titulaire de l’AAH déjà compté en point ii).
En fin de compte, le total de bénéficiaires de pensions d’invalidité et incapacité de travail, de minima sociaux et d’allocation chômage pour la population en âge de travailler est estimé à 5,5 millions d’allocataires au Royaume-Uni (soit 8% de la population). En France, ce chiffre est supérieur à 6.5 millions de bénéficiaires (soit 10.5% de la population).
Ces données doivent bien sûr être appréciés avec nuance mais donnent une idée globale de la situation. Même si le Gouvernement Britanniques est large avec un certain nombre de ses bénéfices sociaux, la France ne l’est pas sans doute pas moins et ce biais statistique ne compense pas en tout état de cause le différentiel d’emploi avec la France.