Ce site n'est plus à jour

Découvrez Fillon2017.fr
24 mars 2009 2 24 /03 /mars /2009 19:24

François Fillon, Premier ministre, s'exprime sur la situation économique (version vidéo et version écrite intégrale) devant la Carnegie Endowment for International Peace à Washington le lundi 23 mars 09.


Mesdames et Messieurs,
Le temps de la crise est aussi le temps des controverses. Depuis trois mois, chaque fois qu’un gouvernement prend une initiative, il y a 30 % des gens qui pensent qu’elle est excessive, il y a 30 % des observateurs qui pensent qu’elle est insuffisante et il y a 30 %, les autres, qui pensent qu’elle est inutile. Andrew CARNEGIE prévenait avec humilité : « Do not look for approval except for the consciousness of doing your best. » Voilà pourquoi, je pense que l’époque a besoin de gouvernants pragmatiques, indépendants et portés, quelles que soient les épreuves, par la seule force de leurs convictions. L’élection du Président OBAMA a fait naître de ce point de vue un très grand espoir ici aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde entier. Deux évènements vont conduire votre Président la semaine prochaine en Europe : le G20 de Londres qui constitue, comme, Madame la Présidente, vous venez de le rappeler, une étape majeure d’une gestion partagée de la crise et le Sommet de l’OTAN qui aura lieu de façon très symbolique, à la fois à Strasbourg, en France, et à Kehl en Allemagne, de l’autre côté du Rhin. Je veux vous dire dès aujourd’hui que l’accueil que le Président OBAMA va recevoir à Strasbourg sera à la hauteur de l’amitié franco-américaine. Il sera généreux, il sera enthousiaste et il sera fraternel. L’amitié franco-américaine, je n’ai pas besoin de le rappeler, remonte très loin, elle remonte à la Guerre d’Indépendance, elle s’est renouvelée dans le sang sur les plages de Normandie. La France est votre amie, la France est votre alliée de toujours et la France reste la France que vous connaissez, c’est-à-dire un pays fier et un pays indépendant. Si nos stratégies ont parfois différé, nous avons toujours agi ensemble au nom des mêmes principes et au nom des mêmes valeurs. En Afghanistan, il y a quelques mois, le Président de la République française et le Gouvernement que je dirige ont décidé de renforcer l’engagement militaire de la France aux côtés de ses alliés. Parce que nous sommes convaincus que la lutte contre le terrorisme et la lutte pour la stabilité de ce pays tellement meurtri ne doivent pas se relâcher. Depuis les années 90, vous savez que la France est progressivement redevenue un des principaux contributeurs de l’OTAN et la décision que nous venons de prendre et sur laquelle j’ai engagé, il y a quelques jours, la responsabilité de mon Gouvernement, avec succès – sinon, je ne serai pas là pour vous en parler – va nous conduire à reprendre notre pleine participation à la structure militaire de l’OTAN, témoignant ainsi de la confiance que nous plaçons dans l’Alliance atlantique. Pour nous, l’Alliance atlantique doit être compatible, et c’est au fond le pari que nous avons décidé de faire, avec le développement simultané d’une Europe de la défense plus solide, qui permettra d’ailleurs de mieux partager la charge, si lourde, d’assurer la sécurité des deux côtés de l’Atlantique.
Le 2 avril s’ouvrira à Londres le G20. Je le disais en commençant mon propos, c’est une étape décisive pour remettre l’économie mondiale sur les rails. La responsabilité des gouvernants qui vont se retrouver autour de la table du G20 vis-à-vis d’une opinion publique mondiale qui est légitimement angoissée, cette responsabilité est très grande. Face à une crise d’une ampleur sans précédent, nous devons démontrer que nous sommes capables d’apporter de vraies réponses et pas seulement d’énoncer de bonnes intentions. A Londres, nous aurons donc le devoir d’aboutir à des réponses concrètes. Quatre sujets, me semble-t-il, l’exigent : d’abord, la réforme de la régulation financière internationale, le soutien à la croissance, le sauvetage du système financier, le sauvetage des banques et enfin le soutien aux pays les plus menacés. Si un seul de ces piliers manque dans l’accord qui devra intervenir à l’issue de la réunion du G20, alors, je suis convaincu qu’il n’y aura pas de reprise durable parce qu’il n’y aura pas de confiance réelle dans notre système économique. Je pense que les chances de succès sont grandes, j’ai d’ailleurs été encouragé à l’optimisme par un titre récent du TIME MAGAZINE qui annonçait que les Etats-Unis étaient en train de devenir les « United States of France ». Il y avait beaucoup d’exagération dans cet article, mais il y avait aussi, me semble-t-il, deux idées utiles. La première, c’est que les grandes crises constituent toujours le bon moment pour laisser les préjugés de côté. La seconde, en tout cas, vous me permettrez de le penser, c’est que la vieille France avait peut-être, au nom d’un modèle original, quelques mots à dire dans la situation et la réflexion actuelles. Avec 40 % du commerce mondial, l’axe transatlantique reste la colonne vertébrale de l’économie planétaire. Aujourd’hui, les Etats-Unis sont les premiers investisseurs étrangers en France et le premier client de la France hors d’Europe. Ici, aux Etats-Unis, 550 000 Américains travaillent dans des filiales d’entreprises françaises. Autant dire que nos économies sont profondément intégrées et donc profondément solidaires. Penser que la crise qui est née aux Etats-Unis allait rester aux Etats-Unis, c’est à peu près aussi naïf que de répéter « What happened in Vegas » ! C’était ignorer que plusieurs banques européennes avaient, elles aussi, très abondamment recouru aux produits titrisés assis sur des actifs toxiques. C’était aussi ignorer que plusieurs pays européens présentaient eux-mêmes des bulles immobilières à l’image de celle qui, aux Etats-Unis, a été à l’origine de la crise. Avec l’effondrement du crédit, nous sommes passés de la crise financière à la crise économique. Mais surtout, cette crise est devenue mondiale, les pays en développement, qu’on croyait protégés par une moindre sophistication de leur système financier, sont frappés, d’abord par la chute de leurs exportations et par la restriction brutale de leur financement extérieur. La Banque mondiale dit que chaque point de croissance perdu fait passer 20 millions des habitants des pays en voie de développement sous le seuil de pauvreté.
Sur ce constat, je pense qu’il faut dire que nos erreurs, nos erreurs communes sautent aux yeux. Première certitude, les politiques macroéconomiques n’ont absolument pas tenu compte de la montée des risques. Elles ont laissé gonfler des bulles financières et immobilières et elles ont encouragé au-delà du raisonnable la course au rendement élevé. Deuxième certitude, nous avons mal régulé le système financier en laissant certaines opérations, certains acteurs ou certains territoires se développer en dehors de toute surveillance, en dehors de toute régulation, en dehors de tout cadre. Nous devons donc réfléchir ensemble à la manière de corriger ces erreurs, c’est-à-dire à la manière de rénover le capitalisme. Nous connaissons tous les vertus du capitalisme, nous savons que le capitalisme stimule mieux qu’aucun autre système les initiatives, qu’il crée mieux qu’aucun autre système des richesses. Mais ce n’est pas parce que le capitalisme est un système que nous approuvons et dont nous pensons qu’il est le meilleur système économique que nous devons le laisser dériver au-delà des objectifs qui lui avaient été fixés. Il faut promouvoir un capitalisme responsable, un capitalisme qui soit appuyé sur deux exigences. D’abord, définir un nouvel équilibre entre les autorités publiques et le marché. Il ne s’agit pas d’alourdir de façon inutile le poids de l’Etat dans l’économie, il s’agit simplement de reconnaître que l’Etat peut avoir, en matière sociale ou en matière de stratégie industrielle, par exemple, un rôle spécifique à jouer pour réguler la concurrence et pour accompagner le développement des entreprises. Ensuite, il faut promouvoir un capitalisme plus moral, c’est-à-dire un capitalisme qui soit capable de préserver le long terme et dont les objectifs ne soient pas seulement des objectifs de court terme. C’est le « Creative Capitalism » que Bill GATES et Warren BUFFETT, dans un livre récent, indiquaient qu’ils le croyaient non seulement possible, mais nécessaire. Concrètement, comment faire ? Dès la fin de l’année 2008, les Européens ont lancé leur plan de sauvetage des banques et ils l’ont fait en essayant le mieux possible de garantir ce que vous appelez le « level playing field ». Il ne faut pas, en effet, que les banques qui ont commis des erreurs bénéficient, grâce au soutien de l’Etat, d’avantages excessifs par rapport à celles qui ont été bien gérées. Nous nous efforçons de respecter cette règle en Europe, je ne doute pas et c’est l’assurance qui m’a été donnée depuis le début de mon voyage ici, aux Etats-Unis, que cette préoccupation sera également partagée par la nouvelle administration américaine. Au-delà des plans de sauvetage des banques, tous les pays européens ont mis en place des plans de relance de l’économie. Je voudrais dire que contrairement à une idée parfois véhiculée, notamment aux Etats-Unis, ces plans sont massifs, puisqu’ils représentent, additionnés, 400 milliards d’euros ; 400 milliards d’euros, c’est 3,3 % du produit intérieur brut européen. Est-ce que c’est moins que le plan de relance du Président OBAMA ? Je pense que cette polémique est assez largement futile. Le plan de relance français, pour ne prendre que cet exemple, conduit à injecter plus de 50 milliards d’euros supplémentaires dans l’économie en 2009. En évaluant ce plan, le Fonds monétaire international, qui l’a présenté de manière plus modeste, ne tient pas compte, en effet, de ce qu’on appelle les stabilisateurs économiques qui sont extrêmement forts dans les économies européennes et particulièrement dans notre économie française. Ces stabilisateurs économiques et sociaux sont les dépenses publiques qui augmentent au fur et à mesure du développement de la crise, notamment pour prendre en charge les gens qui sont sans emploi et dont la situation sociale devient extrêmement difficile. Pour la seule année 2009 et sur la base des prévisions de récession, relativement modestes par rapport aux autres pays européens, que nous faisons de moins 1,5 % en 2009, ces stabilisateurs sociaux, c’est 30 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires. Cinquante milliards d’euros de plan de sauvetage, de plan de relance, plus 30 milliards d’euros de stabilisateurs automatiques, ça fait 80 milliards d’euros, on est dans des proportions qui sont extrêmement comparables à celles des plans qui ont été décidés aux Etats-Unis ou dans les autres pays européens.
C’est vrai qu’au-delà de ces comparaisons un peu simplistes, les situations des différents pays ne sont pas totalement comparables. Les ménages français, par exemple, n’ont que très faiblement assis leur endettement sur la valeur de l’immobilier. Ou encore, dans notre pays, le système de retraite ne repose que très faiblement sur la capitalisation boursière. Bref, au regard des besoins et des moyens du pays, le plan français est un plan de grande envergure. Pour autant, je suis extrêmement attentif au respect d’une certaine mesure dans l’accroissement du déficit public. Je pense que nous n’avons pas intérêt, en France comme dans les autres pays européens, à créer une bulle de dette publique. Naturellement, il faut investir dans la relance, mais en essayant de penser toujours que cette crise est née d’un excès d’endettement et qu’il y a assez peu de chances pour qu’elle soit résolue par un excès d’endettement. Plus de 50 % des mesures du plan de relance français respecteront la règle dite des trois T : Timely Targeted et Temporally. Grâce à quoi, nous ferons le maximum pour que, en 2012, le déficit public de notre pays revienne autour des 3 % du produit intérieur brut, ce qui est l’objectif maximal fixé par le Traité qui institue la monnaie européenne. C’est ce que j’expliquais tout à l’heure à mes interlocuteurs américains, c’est que nous, quand on décide d’accroître notre endettement, il faut aussi que nous nous coordonnions avec l’ensemble des autres pays européens membres de l’Euro, puisque nous avons accepté une discipline commune. En France, nous avons souhaité que notre plan de relance stimule notre potentiel de croissance à court terme. Les investissements publics, le coût d’accélérateur que nous allons donner à la formation et à la reconversion professionnelles, les réductions d’impôts sur les investissements nouveaux porteront leurs fruits au-delà de la crise proprement dite. Nous avons voulu qu’il complète le programme considérable de réformes économiques que le gouvernement conduit depuis 2007 à l’initiative du Président SARKOZY : la fin des 35 heures, la réforme des retraites, l’allègement de la fiscalité, la mise en place de crédits d’impôts massifs pour stimuler l’innovation, nous avons aujourd’hui dans tous les pays de l’OCDE le système de crédit d’impôt en matière de recherche le plus efficace et le plus élevé, l’autonomie des universités, qui n’est pas sans créer quelques tensions dans un pays qui avait, depuis 1986, mis ses universités sous un régime absurde. Toutes ces réformes marquent une véritable modernisation de la France. Elles seront poursuivies parce que nous ne voulons pas seulement sortir de la crise, nous voulons sortir de la crise plus forts et plus vite que nous y sommes rentrés. Pour cela, notre stratégie face à la crise est fortement ciblée sur l’investissement, mais il est également essentiel de préserver la consommation qui est aujourd’hui le principal moteur de l’activité en France. Nous avons donc revalorisé les prestations sociales, nous avons décidé de baisser les impôts des ménages, en tout cas des ménages correspondant à la classe moyenne sur deux années consécutives. Nous avons décidé de diriger l’intégralité des rémunérations versées par les banques à l’Etat, du fait de l’intervention des Etats dans le capital des établissements bancaires, vers ces dépenses de solidarité.
Il y a un autre faux débat que je voudrais clarifier, certains observateurs ont reproché aux Européens de s’entêter à définir de nouvelles règles au lieu de concentrer leurs efforts sur la relance économique. Au fond, c’est l’idée qu’il y a le feu dans la maison, il faut d’abord éteindre l’incendie avant de s’occuper de réfléchir à l’architecture future du système financier. Nous, nous pensons que cette lecture des choses n’est pas fondée. Nous pensons que la relance économique et la régulation financière doivent aller de pair. Nous croyons, les uns et les autres, que seul le marché peut assurer le développement économique et la création de richesses. Mais la crise nous rappelle simplement que le marché ne fonctionne pas correctement sans une certaine régulation. La régulation ne s’oppose pas au marché, au contraire, la régularisation au fond fiabilise le marché, elle le renforce. Il n’y a pas sur cette question de principe de réelles divergences entre les Etats-Unis et la France. Le Président OBAMA a d’ailleurs été très clair sur ces deux objectifs fondamentaux du G20 que sont la relance et la régulation et sur son refus de ce qu’il a appelé le « risk to the bottom » en matière réglementaire. Nous le savons tous, traiter les symptômes sans prendre les mesures structurelles reviendrait à gaspiller l’argent public. Il ne s’agit donc pas ici de réguler pour réguler, ce n’est pas une position idéologique que nous défendons. Il s’agit simplement de traiter des failles techniques qui sont apparues à l’occasion de cette crise et dont nous pensons que les effets sont dévastateurs. Il faut donc plus de transparence, il faut plus de supervision, c’est une responsabilité vis-à-vis du contribuable, que nous sollicitons fortement dans ces moments difficiles de crise et c’est la condition du retour de la confiance. A Washington le 15 novembre dernier, l’Union européenne a proposé un principe général, que tous les marchés, tous les territoires et tous les acteurs présentant un risque pour le système financier soient l’objet d’un contrôle ou d’une surveillance. Ce principe a été adopté par tous les participants, il faut maintenant qu’on le mette en œuvre, quitte évidemment à bousculer quelques habitudes et quelques rentes de situation confortables. Moi, j’en fais le test de notre détermination commune, la réunion des Ministres des Finances et des Gouverneurs de banque centrale du 14 mars dernier a montré qu’un consensus était sur le point d’aboutir sur trois idées essentielles. D’abord, sur l’idée que les hedge funds doivent être soumis à une surveillance réelle. Il n’est, en effet, absolument pas acceptable que des opérateurs qui assurent parfois la moitié des transactions boursières mondiales ne soient pas enregistrés et ne soient pas soumis à certaines obligations de transparence. Deuxième idée, les agences de notation, dont les défaillances ont encouragé la formation de crise, doivent adopter des règles plus strictes en matière de conflit d’intérêt, une notation spécifique pour les produits complexes, il n’est pas possible de noter de la même façon les produits complexes et les autres, et enfin l’habitude de publier régulièrement leurs performances. Au fond, ces agences de notation sont très strictes s’agissant de la performance de ceux qu’elles notent, il ne serait pas anormal qu’elles-mêmes fassent l’objet de la même rigueur s’agissant de la propre qualité de leur travail. L’Europe est sur le point d’adopter un projet législatif à ce propos et nous espérons naturellement que cette question fera l’objet d’un consensus à l’occasion de la réunion du G20.
Plus largement, nous devons replacer le système de responsabilité, auquel fait souvent référence, à juste titre, le Président OBAMA, au cœur du système. Qui peut affirmer que les rémunérations exorbitantes du secteur financier étaient légitimes et qu’elles étaient socialement justes ? Qui peut affirmer que ces rémunérations exorbitantes, qui ne varient d’ailleurs en général qu’à la hausse, mais jamais à la baisse, n’aient pas encouragé des prises de risques excessifs et des calculs à court terme ? Sur deux autres sujets, il semble que l’émergence d’un consensus soit un petit peu plus lente, même si j’ai pu constater au cours de mes entretiens hier et aujourd’hui que les choses avançaient bien. Il s’agit des juridictions non coopératives et des normes comptables. S’agissant du premier sujet, il y a toujours un certain nombre d’Etats qui refusent la coopération internationale dans le domaine fiscal. D’autres, qui l’acceptent, n’appliquent aucune règle sérieuse en matière prudentielle. Il faut ramener ces Etats sans indulgence aux règles communes. Il ne faut pas parler de paradis fiscaux, chaque Etat a le droit de fixer le niveau de sa fiscalité comme il l’entend. Si des Etats trouvent le moyen de ne pas demander d’impôts à leurs contribuables, grand bien leur fasse. La question n’est pas celle du niveau de la fiscalité, la question est celle de la transparence, de la connaissance de l’origine des fonds qui sont accueillis dans ces Etats et de leur destination. Ce n’est pas, cette affaire, une lubie des Européens, c’est une question très importante : Comment imaginer une régulation plus efficace si on laisse toute une série de territoires échapper à cette régulation ? Nous n’allons donc pas batailler pour rétablir des règles rigoureuses et en même temps tolérer leur contournement. Nous n’allons pas engager massivement les finances publiques pour aider les banques et puis laisser en même temps durer les pratiques d’évasion et de fraude fiscale qui détournent de nos économies des dizaines de milliards de dollars par an. Les discussions engagées par le G20 ont déjà conduit à des progrès très nets dans ce sens, sur le continent européen, en Asie. Les pays du G20, à l’initiative notamment de l’Allemagne et de la France, demandent que les pays non coopératifs soient recensés et qu’ils soient soumis à un éventail de sanctions. Enfin, les normes comptables doivent également être réformées pour être moins procycliques. L’organisme qui les crée, l’IASB, doit être plus transparent, plus représentatif et plus responsable de  ses actes. Sur tous ces sujets, je parle sous le contrôle de Christine LAGARDE, les Ministres des Finances du G20 ont déjà fixé des orientations très positives. Mais nous pensons qu’il faut aller plus loin, il faut sortir de la réunion du G20 avec des principes d’action et des règles posées pour permettre un retour rapide de la confiance, sans laquelle l’économie mondiale restera durablement déprimée.
Le G20 ne devra pas se limiter à une meilleure coordination des plans de relance ou à un simple agenda sur la régulation financière internationale. Il faut qu’à l’occasion du G20, on envoie des signaux très forts à la communauté internationale. Il ne faut pas commettre à Londres les mêmes erreurs que celles qui ont été commises en 1933. C’est le Premier ministre d’un pays qui est régulièrement soupçonné de tentation protectionniste qui vous le dit, nous ne devons pas céder à la tentation du chacun pour soi. En 2008, le commerce mondial a progressé de 4 %, le FMI prévoit qu’en 2009, il diminuera de 2,8 %. A Washington, le 15 novembre, les Etats du G20 se sont engagés à ne pas aggraver ce recul par des mesures protectionnistes. Nous devons renouveler cet engagement et demander à l’OMC d’en assurer le suivi. Les Européens sont, en outre, prêts à reprendre les négociations à l’OMC pour donner au Cycle de Doha une conclusion ambitieuse et équilibrée. Ne pas reproduire les erreurs de 1933, c’est aussi démontrer notre solidarité envers les pays émergents et les pays les plus fragiles. Une augmentation massive des ressources du Fonds monétaire international doit lui permettre de soutenir les pays frappés par une défaillance de leur financement extérieur. Je veux vous dire que l’Europe est prête à y contribuer, elle l’a indiqué de façon tout à fait claire, indiquant même son chiffre, les moyens qu’elle est disposée à mettre à la disposition du Fonds monétaire international et qui sont des chiffres comparables à ce que se proposent de faire les Etats-Unis et le Japon. Parce que l’augmentation des ressources du FMI doit s’accompagner d’un renforcement de sa légitimité politique, nous pensons qu’il est temps de passer à un processus ouvert et transparent de sélection de ses grands dirigeants et de renoncer aux règles implicites de partage des postes. Je veux vous dire que l’Europe y est prête, elle compte sur la même résolution de la part des Etats-Unis s’agissant de la Banque mondiale. Il est temps de renforcer la légitimité politique des institutions de Bretton Woods. Seul un Fonds monétaire international plus fort et plus légitime pourra établir un vrai mécanisme d’alerte précoce des crises financières. La Banque mondiale et les autres banques multilatérales doivent, dans le même esprit, accélérer leur décaissement, renforcer leurs programmes sociaux, introduire au plus vite de nouveaux instruments de financement du commerce. Aujourd’hui, l’Union européenne et ses membres assurent 60 % de l’aide publique au développement dans le monde. L’Union européenne est prête à maintenir son effort et surtout à mieux conjuguer son action avec celle des Etats-Unis dans le sens d’une plus grande complémentarité et d’une plus grande efficacité.
Enfin, dernier sujet majeur, vital, qui continuera d’exiger un effort sans précédent de coopération internationale et je ne veux pas qu’il soit oublié ici au motif qu’il y a la crise financière, c’est la lutte contre le changement climatique. D’ailleurs, cette lutte n’est pas sans lien avec la crise actuelle. Cette lutte a longtemps été un sujet de défiance, en particulier entre l’Europe et les Etats-Unis. Il y a évidemment un risque très sérieux que la crise actuelle vienne compliquer une négociation déjà très délicate. Mais je veux vous dire que cette crise constitue aussi une occasion historique de repenser nos propres modèles de développement. Je crois que l’Europe et les Etats-Unis ont le même intérêt à intégrer ce qu’on appelle la croissance verte parmi les leviers de leur rebond économique, à réduire leur dépendance énergétique et à développer les technologies propres de demain. En France, en 2007, l’ensemble des acteurs économiques, des acteurs sociaux et des acteurs scientifiques se sont concertés pour dresser un programme national particulièrement ambitieux en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Au niveau européen, en 2008, la présidence française a fait adopter aux vingt-sept Etats membres un Paquet Energie Climat qui met l’Union européenne en mesure de réduire ses émissions de CO2 de 20 % d’ici 2020. Pour autant naturellement que les autres pays développés s’engagent dans la même voie et sur les mêmes objectifs et que les pays émergents, même s’ils ne peuvent pas s’engager sur les mêmes objectifs, apportent leur contribution adaptée à leurs capacités. La France et l’Europe comptent sur les Américains pour déployer une ambition comparable à l’occasion de la Conférence de Copenhague en décembre de cette année.
Mesdames et Messieurs, la presse française n’a pas été d’un grand optimisme à l’égard des préparatifs du G20. Elle a souligné à l’envie l’existence de différends, l’existence de clivages Nord/Sud ou Est/Ouest, l’existence de divergences d’analyses. Le fait est qu’au soir du samedi 14 mars, nos Ministres des Finances ont bel et bien fait état d’avancées importantes. Ces avancées importantes ont été d’ailleurs confortées par les décisions qui ont été prises par le Conseil européen de la fin de la semaine dernière. Je veux vous dire qu’aucun d’entre nous ne recherche un alignement parfait et inatteignable des positions internationales. Mais nous espérons tous une convergence des efforts, une coordination raisonnable des dispositifs et une compréhension mutuelle des contraintes de chacun. Si la crise a une origine, c’est bien notre beaucoup trop grande complaisance devant les facilités illusoires d’un système, c’est bien le manque de vigilance de nombreux Etats face au manque de mesures de nombreux opérateurs financiers. Accuser tel ou tel Etat d’en être coupable, de ne pas la combattre suffisamment, c’est en réalité détourner notre attention de l’essentiel. L’essentiel, c’est d’épauler sans dogmatisme la bonne volonté de chacun, même si nous devons pour cela changer nos habitudes. Cette crise financière et économique, comme toutes les crises, nous lance un défi. Elle ébranle notre système, elle ébranle nos pratiques et nos schémas de pensée. Nous n’avons pas le droit de faire comme si l’orage allait passer et comme si tout pouvait continuer comme avant. Nous devons être à la hauteur des évènements. Je veux vous dire, c’est la raison de ma venue ici, à Washington, aujourd’hui, combien j’ai confiance dans la lucidité et dans l’audace de la France et des Etats-Unis. Je vous remercie.

Partager cet article

commentaires

Mes vidéos

Fil Twitter

Recherche