François Fillon reçoit le prix du Trombinoscope à l'hôtel de Lassay le 25 janvier 2011
Mesdames et Messieurs,
Chère Arlette CHABOT,
J’imagine les débats vifs qui ont dû nourrir vos conciliabules car la France ne manque pas de personnalités politiques de talent, à tel point qu’il faut, même parfois, inventer des procédures complexes pour tenter de les départager.
Je ne sais pas que penser de ce Prix et je veux tout de suite avouer que j’ai hésité à venir le recevoir. Parce que les défis que notre pays doit surmonter se prêtent assez peu aux hommages personnels. Mais je n’ai pas voulu que mon absence puisse passer pour de l’arrogance. Je tiens en haute estime les distinctions qui honorent nos militaires, nos scientifiques, nos écrivains, mais franchement, les Prix qui distinguent les hommes politiques sont sujets à caution.
Ils le sont d’abord pour ceux qui n’ont pas été choisis : et à cet égard, mes concurrents ne manqueront pas, à juste titre, de vous accuser d’avoir gravement sous-estimé mes lacunes. Ils le sont aussi et surtout pour les Français qui jugent assez sévèrement la comédie du pouvoir et qui rejettent tout ce qui pourrait donner à croire que la politique est un jeu.
Vous me répondrez que ce Prix est sérieux, et il semble en effet l’être puisque vous avez choisi un Premier ministre qui ne présente ni les atouts d’un jeune premier – vous l’avez même qualifié… vous avez dit que je n’étais pas un enfant de chœur – ni les attraits d’un personnage décoiffant.
Voilà presque quatre ans que j’ai l’honneur de servir mon pays à Matignon. J’assume ma mission avec autant de loyauté et de sérieux possible, et finalement, j’ai le sentiment que je ne fais rien d’autre que mon devoir.
Est-ce que c’est cette longévité que vous avez voulu récompenser ? Si c’est le cas, je veux vous dire que vous avez bien fait. Parce que, au-delà de ma personne, la France a besoin de continuité gouvernementale. Et cette continuité, c’est le Président de la République qui a choisi de l’assumer et c’est donc vers lui que cette récompense est également tournée. Elle est aussi tournée vers les parlementaires de la majorité avec lesquels j’entretiens une relation de confiance, sans laquelle rien ne serait possible.
Si ce n’est pas la longévité, est-ce que c’est une certaine façon de faire de la politique que les membres de votre jury ont voulu saluer ? Comme j’ai compris qu’ils étaient tous journalistes, si c’est le cas, c’est un vrai acte de courage puisque comme chacun sait, ma façon de faire de la politique consiste à me tenir le plus possible éloigné des journalistes et de la presse.
En tout cas, je vous laisse le soin de répondre ; mais je veux simplement vous dire que, pour moi, la politique a toujours été une affaire grave. Pardon, mais nos décisions touchent des millions de gens, engagent le sort de la France ; c’est une responsabilité difficile et qui ne peut pas être exercée de façon légère. C’est ma conviction.
Evidemment, je discerne bien derrière ce Prix le jugement des observateurs avisés du jury, pour qui les coulisses du pouvoir révèlent les tempéraments, les ambitions secrètes, les revers personnels… Je ne suis pas candide, mais contrairement à ce qui est dit ou écrit, je veux vraiment vous assurer que la politique n’obéit pas toujours à des stratégies aussi sophistiquées que celles que vous vous plaisez à imaginer. Il faut juste faire les choses au mieux, avec sincérité, avec lucidité, en essayant simplement d’être utile.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les réflexions que ce Prix m’inspire. Je suis sensible à votre geste parce que je sais qu’il n’y a, parmi vous, que des experts expérimentés et passionnés de la politique. Je ne sais pas si les Français sont sur la même longueur d’onde, mais ce que je sais, c’est que mon dernier fils, qui a 9 ans, va pouvoir enfin respecter mon travail, lui qui a longtemps cru que mon métier consistait à signer des lettres et à réparer des ordinateurs.
Ce Prix renforce mes devoirs à l’égard de notre pays. Et c’est peut-être là le message d’avertissement que vous vouliez me faire passer. Merci.