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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 09:50

 

François FILLON s'est rendu à Verdun (Meuse) pour la commémoration du 95ème anniversaire de la bataille de Verdun le Dimanche 26 juin 2011.

 

 

Monsieur le ministre,

Monsieur l’Ambassadeur,

Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus,

Messieurs les officiers généraux,

Monseigneur,

Mesdames, Messieurs,

 

Le soldat Biron avait 31 ans, et on l’évacuait de Verdun, lorsqu’il écrivit la lettre suivante :

« Ma chère mère,

Par quel miracle suis-je sorti de cet enfer ? Je me demande parfois s’il est bien vrai que je suis encore vivant. Nous sommes montés mille deux cents, et redescendus trois cents. Pourquoi suis-je de ces trois cents, je n’en sais rien. (…) Personne ne pourra jamais savoir par quelles transes et quelles souffrances horribles nous avons passé. (…) huit jours sans manger et presque sans boire, huit jours à vivre au milieu d’un charnier humain, couchant au milieu des cadavres, marchant sur nos camarades tombés la veille. Ah ! J’ai bien pensé à vous, durant ces heures terribles. »

Le 11 septembre 1916, à l’hôpital de Chartres, Gaston Biron mourait de ses blessures.

 

 

Il existe tant de lettres comparables, tant de lettres d’amour et d’adieux écrites en enfer, et chacune d’entre elles pouvait être la dernière.

Un matin, l’épouse, les parents, découvraient la missive officielle et l’atroce nouvelle, puis venait le temps de l’absence, du deuil, et parfois de la course éperdue pour savoir, pour comprendre, pour accepter.

 

Trois raisons m’ont conduit à laisser à un «poilu» les premiers mots de cette allocution.

La première est symbolique. Elle tient au respect des morts, à l’ombre dans laquelle leur héroïsme nous relègue, à la préséance éternelle que le sacrifice leur a acquise.

La deuxième est historique. Depuis la mort de Lazare Ponticelli, en mars 2008, il n’y a plus de combattants français de la Grande Guerre. Les soldats de Verdun ne vivent plus qu’à travers nous. Il nous incombe de relayer leurs voix, de perpétuer leur témoignage.

La troisième, enfin, vient du cœur : elle vient du choc que m’inspirent les lettres retrouvées des soldats, leur nombre, leur fièvre, leur anxiété.

 

 

 

A Verdun la guerre n’avait donné lieu à cette rage d’écriture, à cette profusion de courriers, de récits poignants, de notes griffonnés du bout du crayon, sous les balles, sur un coin de planche, à la veille du dernier assaut.

A Verdun, le soldat écrit pour prouver qu’il reste humain.

A sa femme, à ses enfants, pour se convaincre qu’il peut encore aimer. A ceux de l’arrière, pour leur dire qu’il est toujours là, qu’il tient, qu’il reste aussi capable de s’indigner.

Aux vivants, pour crier qu’il appartient encore à leur monde – quand chaque jour qui passe lui donne de nouveaux défis et de nouveaux motifs d’en douter.

 

Le 21 février 1916, comme un symbole, le premier obus allemand tombe dans la cour de l’évêché de Verdun.

En 24 heures, un million d’autres le suivent, formant ce que le commandement allemand nomme un feu «en roulement de tambour». Un million d’obus qui ressemblent déjà à une fin du monde et qui ne sont, en réalité, que les prémices de neuf mois d’affrontements.

 

 

Le 24 février, le général de Castelnau arrête les troupes allemandes sur la rive droite de la Meuse, mais il ne peut empêcher que le lendemain, le fort de Douaumont, le plus vaste de la région, tombe sans combats.

 

Très vite, la bataille s’enlise. Elle était mobile, elle devient statique.

On n’avance plus, on s’arc-boute, on s’enterre, on se rencogne dans des abris qu’on imagine provisoires.

Les semaines passent.

Le provisoire s’éternise. L’approvisionnement tarde.

Les tirs d’artillerie fixent chaque camp dans ses boyaux, dans ses casemates de fortune. La tranchée devient un tombeau, dont on n’émerge que pour tenir et pour mourir.

Les hommes perdent leur vie dans des offensives de dix mètres, au gré desquelles on conquiert un fossé, un talus, un parapet qu’on perd le lendemain. Dans les deux camps, tout se défait et s’épuise – pugnacité, force d’âme, soif de revanche.

 

Pour forcer le destin, on masse toujours plus de troupes.

 

En avril, 500 000 Français se tiennent au coude à coude, du Mort-Homme à Châtillon. 500 000 soldats sur lesquels les tirs de mortiers projettent une grêle continue de boue et d’éclats.

Sous les explosions, la terre semble fondre. Ses formes se creusent, s’arasent, se soulèvent par vagues.

Des unités entières se dissolvent avec elle, comme aspirées par les cratères des bombes.

 

En première ligne, les nouvelles unités perdent en moyenne le quart de leur effectif le premier jour. 10 000 fantassins tombent pour défendre la cote 304 – une crête si dérisoire qu’elle n’a même pas de nom.

Pour les remplacer, on organise le «tourniquet des combattants».

Sur la Voie Sacrée, route unique, décisive, mal empierrée, le commandant Girard et le capitaine Doumenc envoient 6 000 camions par jour.

Des 330 bataillons de l’infanterie française, 259 se relaient.

Valides et mutilés se croisent dans la même noria.

La relève permanente masque l’échec d’une stratégie. Depuis longtemps, à Verdun, il n’y a plus de triomphe possible. Victoire et défaite sont indistinctes.

 

Le général Mangin croit reprendre le fort de Douaumont le 22 mai. Il le perd le 24.

Le 11 juillet, Falkenhayn pense détruire le fort de Souville. Le 12, les mitrailleurs du fort brisent son ultime assaut.

Lorsque le 2 novembre 1916, Nivelle, ayant investi le fort de Vaux, repousse les Allemands sur leurs lignes initiales, la bataille a fait près de 800 000 morts, disparus ou blessés.

 

Mesdames et messieurs,

La guerre ne commençait pas à Verdun, où elle ne devait d’ailleurs pas finir.

Dès 1914, la France avait connu la bataille de la Marne.

En 1915, l’armée avait souffert en Artois, en Champagne.

Fin 1916, elle combattrait sur la Somme, plus meurtrière encore...

Pourtant, c’est à Verdun que la Première guerre mondiale a gravé son horreur dans l’esprit des peuples européens. Et c’est ici, devant ce saillant, sur cette rive de la Meuse, que leurs angoisses les plus terribles ont pris corps.

Parce que la guerre des tranchées était monstrueuse, informe, terrifiante d’indécision.

 

Parce que la guerre moderne – celle des gaz, des lance-flammes, des premiers avions – semblait faite pour accuser encore la fragilité dérisoire de l’homme.

De la mêlée, beaucoup ne revinrent pas; et ceux qui revinrent, revinrent trempés par l’épreuve, brisés aussi.

Les uns avaient perdu leurs membres, leurs poumons, leur visage; d’autres - qui n’étaient pas moins atteints – avaient perdu leur jeunesse.

Dans leurs familles, ils ramenaient la fierté, mais aussi le deuil et le silence.

Chaque survivant avait l’ombre d’un mort à son côté.

La France entière portait comme une blessure sa terrible victoire.

 

Verdun est l’une de ces batailles que la paix n’efface pas.

Ceux qui l’ont traversée ont voulu que leurs souffrances ne restent pas sans leçons.

Au cœur des combats, ils ont découvert la fraternité profonde de ceux qui risquent leurs vies ensemble.

Héros, ceux qui s’élancèrent sous les balles avec la certitude qu’un compagnon sur quatre serait fauché.

Héros, ceux qui feignirent la confiance, pour ne pas gagner les autres à leur désespoir.

 

Héros ceux qui se battirent pour la victoire sans perdre leur âme.

 

La paix venue, ils ont voulu qu’on honore le soldat et refusé qu’on exalte la guerre.

Mieux encore : dans ces Allemands qu’à vingt mètres d’eux, ils entendaient vivre, parler, chanter - et sur lesquels ils devaient pourtant faire feu - ils ont reconnu des frères.

 

Ils ont crié : plus jamais ça ! Et leur cri a été entendu.

Nous savons que leur pacifisme n’a pas empêché le retour de la guerre.

Mais nous savons aussi que Verdun reste, dans nos consciences, l’une des pierres d’angle de la réconciliation européenne.

 

La France enracine à Verdun une part de sa légende.

Elle entretient avec les traces de la guerre, avec les blessures du paysage, avec les croix des cimetières militaires, avec les monuments et les mémoriaux, avec les vestiges de la fureur passée le dialogue d’un pays qui ne veut ni oublier, ni répéter ses drames.

 

 

Je veux remercier ceux qui entretiennent la mémoire de ces lieux et celles de nos braves.

Dans trois ans, le centenaire du déclenchement de la Première guerre sera l’occasion de commémorer, avec une solennité particulière, leur courage et de méditer leurs avertissements.

 

Dès à présent, l’œuvre mémorielle se renouvelle dans nos villes, dans nos villages, et sur les sites des combats.

Avec le temps, l’attachement des Français à leurs lieux de mémoire évolue. S’ils viennent à Verdun, ce n’est plus sur les traces d’un père ou d’un grand-père, mais c’est à la rencontre d’un patrimoine bouleversant.

L’Etat s’engage pour que ce patrimoine soit respecté, qu’il soit entretenu, qu’il soit expliqué.

 

En 2009, il a conclu avec le département de la Meuse, un accord cadre relatif au tourisme de mémoire. Cette année, il contribuera à la mise en place une nouvelle signalétique des sites militaires et de la Voie Sacrée.

Ici même, à Douaumont, il poursuivra son soutien pour mener à bien la restauration de l’ossuaire et d’ici 2014, conduira celle de la Nécropole.

Enfin, il appuiera d’autres chantiers: la refondation du mémorial-musée de la bataille de Verdun ; l’ouverture au public des forts de Vaux et de Douaumont, dont l’État vient de transférer la propriété au Conseil général ; la mise en valeur de la « tranchée des baïonnettes », ce lieu symbolique autour duquel le mythe et la vérité agitent encore tant de débats.

 

L’homme a vécu à Verdun l’une des pires épreuves de sa condition mortelle. Ici, plus que sur aucun front, il a vu sa raison déchirée sur les barbelés. Ici, plus qu’en aucun combat, son abnégation l’a porté au sacrifice.

Nulle part on n’a tant obtenu du courage de tant d’hommes. Et nulle part la vaillance et la désespérance ne se sont si douloureusement entremêlées.

 

Mesdames et messieurs,

Peut-on aujourd’hui, en ces temps de paix, ces temps où nul adversaire ne nous menace d’invasion, ces temps où le bonheur de la vie est légitimement célébré, oui peut-on prononcer devant toutes ces tombes, le mot: «merci».

Les plus sceptiques diront que cette reconnaissance se perd dans le vent.

Ils diront que mes mots ne ressuscitent personne, qu’ils ne sauvent pas tous ceux qui auraient dû être épargné il y a 95 ans.

Et pourtant, je les prononce.

Je les prononce pour chaque homme tombé pour la France, tombé pour l’honneur, tombé sous les ordres, tombé pour les copains, tombé pour une raison intime qui ne tenait plus qu’à un fil.

Je les prononce en imaginant que la terre de Verdun porte encore un peu de la vie de tous ceux qui n’en revinrent pas.

Je prononce ces mots, pour nous, bien vivants, si vivants et parfois insouciants devant le sacrifice de ceux qui périrent sous le feu dans l’espoir que nous n’ayons jamais à choisir entre la servitude et l’hécatombe.

Parce que la guerre de 1914-1918 fut une épreuve atroce, certains voudraient que le temps nous en libère. Mais les Français sont-ils prisonniers de leur mémoire ?

Non, ils ne le sont pas, et je veux, bien au contraire, qu’ils en soient les gardiens.

 

La France salue ceux de Verdun. Elle salue ses poilus à qui elle doit sa liberté.

Sous leur regard, elle salue la paix reconquise.

Vive la République ! Vive la France !

 

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