Mesdames, Messieurs,
J’ai réuni ce matin le comité interministériel sur les investissements d'avenir.
Je veux rappeler que ce programme, décidé par le président de la République, qui a fait l’objet d’un vote par le Parlement, représente 35 milliards d’euros d’investissements dans l’enseignement supérieur, dans la formation, dans la recherche, dans les filières industrielles d’avenir, dans les PME, dans le développement durable ou encore dans le numérique, c’est-à-dire dans tous les secteurs que nous avons, à la suite des travaux de la commission conduite par Alain Juppé et Michel Rocard, identifiés comme étant les secteurs les plus porteurs d’avenir pour l’économie française.
C’est maintenant, au moment où nous commençons à sortir de la crise économique et financière, qu’il faut faire ces efforts de compétitivité pour aller chercher de la croissance supplémentaire. Je veux rappeler que nous sommes, au début de cette année 2010, le pays européen qui a les meilleures prévisions de croissance avec 1,5 %. Ce sont les prévisions du FMI, ce sont des prévisions qui sont meilleures que celles de notre voisin allemand, je le dis simplement parce que ce n’est pas très courant dans l’histoire récente de nos deux pays, que la France ait des performances en matière de croissance supérieures à celle de l’Allemagne.
Le FMI d’ailleurs nous fait pour 2011 une prévision à 1,8, qui est encore supérieure à celle de notre voisin allemand.
Nous avons passé cette crise avec une augmentation du pouvoir d’achat des Français de 2,1 % en 2009. Je le répète, une augmentation du pouvoir d’achat des Français de 2,1 % en 2009. Et nous avons des performances qui nous placent en tête de tous les pays de la zone euro.
Ces résultats, c’est naturellement le fruit de la politique économique que conduit le Gouvernement. Et c’est le fruit du plan de relance que nous avons mis en place.
Eh bien, maintenant que l’activité économique repart, que nous allons progressivement sortir du plan de relance, nous devons investir sur les secteurs les plus prometteurs pour l’avenir de l’économie française.
Nous le faisons dans un contexte budgétaire qui est difficile, et je voudrais que les choses soient très claires, il ne s’agit pas de dépenser d’un côté l’argent que nous économisons de l’autre, c’est toute la différence d’ailleurs entre la rigueur et une gestion sérieuse. La rigueur ça consiste à réduire toutes les dépenses, y compris celles qui sont porteuses de création de richesses et de revenus pour notre pays ; la gestion sérieuse c’est celle que nous conduisons. Elle consiste à réduire les dépenses de fonctionnement pour pouvoir continuer, voire accroître, c’est ce que nous faisons, notre effort en matière d’investissements.
Je veux d’ailleurs rappeler que les charges qui sont les charges financières qui sont issues de l’emprunt que nous allons faire pour financer ces investissements d’avenir seront intégralement couvertes par une diminution de nos dépenses courantes.
Nous avons évidemment l’obligation d’aller vite pour mettre en œuvre ces investissements d’avenir.
Je rappelle que la commission Juppé-Rocard nous a remis ses propositions en novembre. En décembre, le président de la République a rendu ses arbitrages. Que le 9 mars, Le Parlement a voté la loi de finances rectificative qui ouvre les crédits correspondants.
Et aujourd’hui, nous avons adopté, sur proposition du Commissaire général à l’investissement, René RICOL, les dix premières conventions entre l’Etat et les opérateurs, qui vont gérer ces crédits. Il s’agit en particulier d’OSEO, de l’ADEME ou encore de l’ANR.
Ces dix conventions représentent 6,85 milliards d’euros, sur les 35 milliards du programme. Et nous avons calculé qu’elles génèrent avec les financements privés qu’elles vont déclencher, 16 milliards d’euros de financement d’investissements qui seront attribués aux projets, directement à ceux qui vont les réaliser d’ici la fin de l’année.
Pour l’enseignement supérieur et la recherche, nous avons validé les conventions sur les « équipements d’excellence », c’est-à-dire ces équipements que les laboratoires de nos universités ou de nos organismes de recherche n’avaient jamais la possibilité de financer, parce que les coûts étaient trop élevés et dépassaient leurs possibilités de financement. Ils vont pouvoir le faire, naturellement lorsque les projets seront jugés d’un niveau suffisant. Et puis, sur les projets en matière de « santé » et de « biotechnologies ».
Nous avons validé les conventions sur les filières industrielles et les PME. Ces conventions portent sur le « financement de l’économie sociale et solidaire », sur la « création d’un fonds d’amorçage », sur le « refinancement d’OSEO », sur les « prêts verts à l’industrie » et sur les « aides à la réindustrialisation ».
Pour le développement durable, nous avons validé les conventions sur les « démonstrateurs en matière d’énergies renouvelables », et sur la « rénovation thermique des logements des ménages modestes ». Et enfin, sur le financement du chantier du « réacteur nucléaire Jules HOROWITZ », que j’aurai l’occasion d’aller visiter cet après-midi.
Ces conventions définissent les modalités de sélection des projets, les modalités de l’octroi des fonds et de l’évaluation des résultats.
Elles vont être transmises dès ce soir aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Et dès le mois de juin, les appels à projets qui découlent de ces conventions seront lancés.
A l’été, les autres conventions qui restent à négocier auront été signées – il y en aura une quarantaine au total, et cela donnera donc lieu à la réunion d’un nouveau comité interministériel.
Ce matin, nous avons aussi déterminé les principaux axes du calendrier pour le volet enseignement supérieur et recherche.
Je rappelle que c’est le volet principal, avec 19 milliards d’euros, de ce programme d’investissements d’avenir.
Une première vague d’appels à projets aura lieu début juin pour les équipements d’excellence et les biotechnologies, qui correspondent aux conventions qui ont été validées. Les premiers lauréats seront donc désignés à partir du dernier trimestre de 2010.
Pour les autres projets, une deuxième vague va intervenir courant juin et les résultats seront connus entre la fin de l’année 2010 et le premier trimestre 2011.
Enfin, pour ce qui correspond aux initiatives d’excellence, nous allons lancer le processus à compter de l’été. Il y a encore une phase de concertation qui est en cours avec tous les acteurs du monde de l’université et de la recherche, avant la publication des appels à projets.
Pour un certain nombre de conventions, la mise en œuvre va être très rapide, parce qu'il n'y a pas d'appels à projets nécessaires.
C'est ainsi le cas pour les 2,6 milliards d’euros de "prêts verts" à l’industrie, qui vont aider les entreprises à adapter leur outil de production pour gagner de la compétitivité, tout en étant en phase avec les exigences du développement durable. Ces "prêts verts" à l'industrie vont être immédiatement opérationnels. C'est la même chose pour les aides à la rénovation thermique des logements, qui sont destinées aux particuliers.
Elles seront disponibles à la rentrée. Elles permettront de financer des travaux de rénovation thermique dans 300.000 logements, dont les propriétaires ont des revenus modestes.
Et puis enfin, c'est le cas pour le réacteur Jules HOROWITZ.
Nous voulons que les choses avancent vite, parce qu'on voit bien que la compétition, en particulier avec les pays émergents, est une compétition de plus en plus rude et que nous n'avons pas le droit de prendre du retard, et en même temps, nous voulons que la sélection des financements soit extrêmement rigoureuse. Et en particulier, nous voulons qu'il y ait pour chaque euro investi un retour. Les projets qui vont être retenus doivent donc impérativement mettre en évidence leur rentabilité économique et financière pour le pays.
Ces projets seront mis en concurrence ; la sélection sera conduite par des jurys indépendants, qui vont mobiliser les meilleurs experts des domaines concernés y compris, s'agissant de l'enseignement supérieur et de la recherche, des experts internationaux Et nous procéderons enfin a posteriori à des évaluations systématiques. Je veux rappeler que la gouvernance de ce projet est particulière, qu'elle est originale ; les décisions sont prises par le Premier ministre, l'acteur principal de leur mise en œuvre, c'est le commissaire général à l'investissement qui doit veiller à ce que l'exécution du programme soit bien conforme aux objectifs fixés. Et il a auprès de lui un comité de surveillance présidé par Alain JUPPE et Michel ROCARD, dont la composition vous a été communiquée, huit parlementaires, huit personnalité qualifiées, qui vont veiller à ce que l'ensemble des projets qui vont être financés soit bien conforme aux objectifs qui ont été fixés par le Président de la République, par le Gouvernement et par le Parlement.
Voilà, Mesdames et Messieurs, la présentation que je voulais vous faire des travaux de ce comité interministériel. C'est un grand défi que nous avons devant nous, de choisir les secteurs les plus porteurs pour l'économie français, ceux qui vont porter la croissance de demain. C'est au fond ce qu'ont fait nos prédécesseurs à la fin des années 60 ; c'est ce qui n'a pas été fait d'une certaine manière depuis une vingtaine d'année, parce que les investissements, en particulier les investissements publics, ont reculé pratiquement sans discontinuer. Nous avons décidé de mettre un terme à cette spirale, qui est une spirale qui est appauvrissante pour notre pays; en investissant avec rigueur, mais aussi avec beaucoup de volontarisme sur des projets qui portent l'avenir de notre pays.
Je suis maintenant à votre disposition avec René RICOL pour répondre à vos questions qui naturellement vont porter sur ce sujet.
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Question de D. Fleurot BFM TV : Quelles sont les conséquences concrètes en termes d'emplois et de gain sur la croissance pour l'année 2010 de ces premiers investissements ?
F. Fillon : Sur l'année 2010, il n'y a pas beaucoup d'impact puisque, comme je vous l'ai dit c'est du moyen et du long terme. L'année 2010, on est encore, pour l'essentiel, s'agissant du soutien à la croissance, sur les effets du plan de relance. Les mesures que j'ai annoncées sur "les prêts verts" ou sur le financement de l'isolation thermique des bâtiments auront des effets en fin d'année 2010, notamment sur l'activité économique. Mais enfin, l'essentiel des mesures que nous prenons, c'est pour des effets en terme de croissance à horizon 2011, 2012, 2013.
Question d'A. Bénichou, Agence AEF: Je vois disparaître dans le dossier de presse le terme de "campus d'excellence" et apparaître celui d'"initiatives d'excellence". Pourriez-vous expliciter cela ?
Vous êtes un observateur extrêmement attentif. Nous pensons en effet, que le mot "campus d'excellence " était un mot impropre parce que, au fond, un campus, ça désigne un lieu de vie dans une université. Et nous avons un programme que le président de la République a beaucoup soutenu, qui est le « plan campus", qui nous permet de financer des investissements en termes d'accueil, des étudiants sur le lieu de leurs études supérieures, c'est-à-dire, des logements, des lieux de travail, et c'est tout l'environnement de la vie étudiante. Là, en l'occurrence, ce que nous voulons financer, ce sont des initiatives qui soient des innovations en matière de formation à haut niveau, au niveau du 3ème cycle. Ce sont des programmes liés à la recherche et à l'innovation. Cela n'a donc rien à voir avec la vie étudiante ; cela n'a rien à voir avec les bâtiments, avec les investissements immobiliers qui permettent d'améliorer la vie des étudiants. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité baptiser ce projet d'un terme plus approprié, "initiatives d'excellence".
Question de C. Ménard, Agence de presse médicale. Vous avez insisté sur le fait qu'il y aurait des évaluations sur les différents projets. Quand auront lieu les premières évaluations et à quel rythme se feront-elles par la suite ?
R. Ricol : Chaque année, c'est-à-dire qu'à partir du moment où l'argent sera débloqué et où les porteurs de projets auront l'argent, chaque année nous évaluerons, et d'ailleurs nous veillerons à débloquer l'argent - c'est les instructions que j'ai reçues du Premier ministre - par tranches, de telle sorte que quand ça marche, on continue à financer et quand ça ne marche pas, on sache arrêter pour redéployer sur d'autres projets.
Question d'A. Hausser. Monsieur le Premier ministre, vous dites que vous souhaitez un retour sur investissement pour chaque euro investi, comment est-ce que vous pouvez être sûr que vous aurez un retour sur investissement ? Par définition…
F. Fillon : C'est dans le choix des projets. Il peut y avoir des échecs, mais enfin nous allons sélectionner les projets au regard de leur potentiel en matière de croissance pour notre pays. Et donc, cela veut dire que la sélection des projets sera très sévère, et que cet aspect du retour sur investissement sera fondamental. J'ajoute que, sur un certain nombre de sujets, nous allons aider des entreprises privées à améliorer leur compétitivité, nous allons prendre une part du risque qu'elle prennent, mais aussi des bénéfices qu'elles réaliseront à travers les conventions que nous avons signées.
Je vous remercie beaucoup et je vous invite à venir à Cadarache dans quelques instants.