25 juin 2009
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François Fillon, Premier ministre, invité du journal de 20 heures de France 2 répond aux questions de David Pujadas après le remaniement ministériel, le mercredi 24 juin 09 (version vidéo et écrite intégrale).
David PUJADAS
On en vient à l’actualité politique évidemment très riche ce soir, la France a un nouveau gouvernement (…) Quel sens donner à ces changements ? Quelle politique pour demain ? Le Premier ministre, François FILLON, est notre invité ce soir. Merci d’avoir choisi FRANCE 2 pour cette première intervention. D’abord, quelques réactions à l’annonce de ce gouvernement (…) On entendait, François FILLON, Jean-Marc AYRAULT dire : « C’est plutôt un gouvernement de fermeture. » C’est vrai qu’il n’y a aucun ministre de gauche nommé. L’ouverture, elle a fait son temps, c’est terminé ?
François FILLON
Non, l’ouverture, ça dure et ça marche. Je veux dire par là que les ministres qui incarnent l’ouverture dans mon gouvernement, qui pour l’essentiel viennent de la gauche, ils ne sont pas partis du gouvernement, donc il n’y avait pas lieu de les remplacer. Bernard KOUCHNER est toujours là, Eric BESSON est toujours là. Ce que nous avons cherché à faire avec le président de la République, c’est à poursuivre l’effort au fond de représentation de la diversité de la société française en allant chercher une compétence comme celle de Frédéric MITTERRAND, qui est reconnu comme un grand professionnel de la culture, ou Nora BERRA ou Marie-Luce PENCHARD, que vous avez montrée à l’instant, ou des jeunes, il y a trois, quatre quadragénaires qui accèdent à des responsabilités nouvelles, je pense à Luc CHATEL, à Bruno LE MAIRE ou à Benoist APPARU. Donc, on poursuit cet effort d’ouverture, l’ouverture n’est pas seulement une ouverture vers la gauche, c’est aussi une ouverture vers la société française.
David PUJADAS
Frédéric MITTERRAND, qu’est-ce que c’est ? C’est la touche de surprise ou d’exotisme qu’il faut à tout gouvernement pour être un peu médiatique ?
François FILLON
Non, c’est un grand professionnel qui va apporter son regard, son expérience, son talent au gouvernement. Il n’y a aucune raison de constituer des gouvernements homogènes, avec des hommes et des femmes qui pensent tous la même chose, qui viennent tous des mêmes horizons. C’est comme…
David PUJADAS
C’était votre choix ?
François FILLON
… C’est comme ça qu’on se ferme. Le gouvernement de fermeture, ce serait celui-là. Donc, avec le président de la République, on a cherché en permanence, depuis deux ans d’ailleurs, à recruter aux bons postes les bonnes personnes. Je pense qu’on a réussi de ce point de vue-là à trouver les bons équilibres.
David PUJADAS
Il y a des éléments qui retiennent l’attention, le secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme est supprimé. Ça veut dire quoi ? Ça ne marchait pas ? C’était inutile ? C’était un artifice ?
François FILLON
Non, en réalité, il n’est pas supprimé, c’est le ministre des Affaires étrangères, Bernard KOUCHNER, qui a en responsabilité désormais la fonction qui était celle de Rama YADE…
David PUJADAS
On aurait pu avoir ce raisonnement avant alors !
François FILLON
C’est vrai qu’on fait des essais, on peut parfois se tromper. On est arrivé, avec Bernard KOUCHNER et avec Rama YADE, à la conclusion que c’était difficile pour une personne d’occuper seulement cette fonction-là. C’était très compliqué, ce n’était pas au fond extrêmement efficace. Donc, on a préféré remettre cette fonction dans le portefeuille de Bernard KOUCHNER qui le défendra avec beaucoup de talent.
David PUJADAS
Alors, ce n’est pas un secret, vous, vous étiez pour un réajustement technique très limité. Finalement, le changement est plus grand, plus profond. Pourquoi ?
François FILLON
D’abord, je voudrais vous faire remarquer que ce n’est pas un remaniement aussi considérable que je l’entends dire. Il y a huit nouveaux entrants et huit sortants sur un gouvernement de trente-neuf personnes…
David PUJADAS
Neuf changements d’affectation.
François FILLON
Il y a beaucoup de stabilité, en particulier il y a beaucoup de stabilité sur des sujets qui, pour moi, étaient absolument fondamentaux, notamment face à la crise économique. Vous constaterez que tous les ministres en charge de l’économie, des finances sont les mêmes. C’est un vrai changement dans notre pays qui avait pris l’habitude de modifier, de changer les ministres des finances quasiment tous les six mois. Alors, c’est vrai qu’on a changé quelques titulaires de poste, d’abord, parce qu’un gouvernement, il faut que ça respire, c’est un métier très, très difficile, surtout à des responsabilités comme l’intérieur ou comme la justice ou comme l’éducation. Et puis, il y a de nouvelles pages qui vont s’écrire avec de nouvelles réformes. On a estimé, avec le président de la République, que pour la réforme de la justice, après le travail remarquable et très difficile qu’avait fait Rachida DATI, il fallait quelqu’un qui incarne cette réforme. Pour la réforme des collectivités locales, qui va être conduite par Brice HORTEFEUX à l’Intérieur, il nous a semblé que c’était l’homme le plus apte à convaincre la majorité parlementaire de conduire cette réforme. Voilà, donc on cherche en permanence à trouver la bonne personne à la bonne place.
David PUJADAS
Alors, quelle sera la politique suivie ? Avant de vous entendre sur le sujet, deux chiffres et un commentaire. Les chiffres, les voici, c’est le ministère du Budget qui les donne et ils montrent le plongeon des comptes publics ; déficit prévu cette année : 140 milliards d’euros tout compris, soit 7 à 7,5 % du PIB, c’est un record absolu ; la dette fait un bond à près de 1 500 milliards d’euros et 77 % du PIB, là aussi, on bat tous les records. Le commentaire, c’est celui de Philippe SEGUIN, le président de la Cour des comptes, qui a rendu son rapport annuel, qui était l’un de vos proches, François FILLON, il parle de « fuite en avant, plus on attend, plus il faudra payer », dit-il. On l’écoute.
(Déclaration Philippe SEGUIN)
David PUJADAS
Soixante-dix milliards d’économie, dit Philippe SEGUIN. Monsieur le Premier ministre, est-ce qu’il honnête de dire qu’on n’augmentera pas les impôts ?
François FILLON
Oui, parce qu’il faut distinguer deux choses. Philippe SEGUIN a raison, il est dans son rôle en alertant sur l’importance du déficit. Il faut ajouter que tous les pays développés sont aujourd’hui dans la même situation. Il y a deux…
David PUJADAS
Sauf l’Allemagne, qui est un peu moins…
François FILLON
Enfin, qui est en train de voir son déficit augmenter, même si elle part effectivement d’une situation meilleure. Il y a deux déficits, il y a le déficit structurel, c’est-à-dire les dépenses courantes, quotidiennes, sur lesquelles…
David PUJADAS
La moitié du déficit, dit Philippe SEGUIN.
François FILLON
… Qui représentent la moitié du déficit et sur lesquelles nous avons, depuis trois ans, porté un effort considérable. Depuis trois ans, pour la première fois depuis très longtemps, les dépenses de l’Etat ont été gelées à zéro et elles le seront encore en 2010. On a engagé un effort de réduction des emplois publics, qui est d’ailleurs difficile parfois à accepter par nos concitoyens, qui va se poursuivre en 2010. On a surtout engagé des réformes structurelles qui permettront de réduire ce déficit. La réforme des collectivités territoriales, elle vise à réduire le nombre d’échelons, à enlever de la complexité dans le système pour réduire les coûts…
David PUJADAS
Elle n’est pas encore engagée…
François FILLON
Non, mais il faut, justement, c’est bien pour ça qu’on veut accélérer les choses. La réforme des retraites, qui a connu déjà trois étapes, la fonction publique, les régimes spéciaux, l’ensemble des régimes de retraite, le président de la République a fixé un rendez-vous en 2010 qui va nous conduire à prendre des décisions qui seront forcément des décisions fortes, soit sur l’allongement de la durée de cotisation, c’était la proposition que la majorité avait acceptée dans la réforme que je portais, soit…
David PUJADAS
C’est inévitable ?
François FILLON
C’est absolument inévitable, parce que la vie s’allonge. Soit, sur l’allongement de la durée légale, enfin sur l’allongement de la durée légale de départ à la retraite. Aujourd’hui même, a été votée, après bien des débats, une réforme fondamentale de l’hôpital qu’a portée Roselyne BACHELOT, qui va conduire à réduire les déficits. Donc, il y a d’abord cet effort de réduction des déficits structurels sur lequel je suis parfaitement d’accord avec Philippe SEGUIN et j’ai toujours dit que, moi, je ne céderai jamais sur cette question parce que, pour moi, elle est fondamentale. A côté, vous avez les déficits qui sont liés à la crise, c’est-à-dire les dépenses de relance, les recettes qui sont en chute libre. C’est là où le président de la République a fait une proposition que nous allons mettre en œuvre, qui consiste à investir massivement – je sais que ça peut paraître paradoxal – dans des secteurs porteurs d’avenir en termes de création de richesse et de création d’emploi. Parce que pour nous, la seule façon de réduire ce déficit, c’est d’aller chercher de la croissance. Si on augmente les impôts aujourd’hui, on va accroître la récession dans notre pays. Si on augmente les impôts, demain, au moment où on sortira de la crise, on cassera la reprise. Donc, la seule solution, c’est de faire ce qu’on a fait dans les années 60 quand on a financé massivement le nucléaire, l’aéronautique, le spatial…
David PUJADAS
Alors, Nicolas SARKOZY dit : Un grand emprunt sera lancé. Est-ce qu’on peut en savoir davantage ? Combien ? A quel taux ? Qui sera sollicité pour le souscrire ?
François FILLON
Avant de lancer l’emprunt, on va d’abord définir les vraies priorités stratégiques. Pour moi, il est absolument essentiel que pas un euro de cet emprunt ne soit utilisé à des dépenses qui seraient des dépenses non prioritaires, qui ne seraient pas des dépenses utiles, qui ne seraient pas des dépenses qui génèreraient de la richesse. Je réunis le gouvernement dès dimanche prochain pour fixer ces priorités, en tout cas du point de vue gouvernemental. Le 1er juillet, avec le président de la République, on va recevoir les syndicats, les partenaires sociaux, pour débattre avec eux de cette question. Et puis, ensuite, le Parlement, dans les semaines suivantes, sera amené à prendre des décisions sur les priorités…
David PUJADAS
Est-ce qu’on a une idée des grands thèmes qui seront concernés ?
François FILLON
On peut imaginer naturellement que les biotechnologies, que l’énergie du futur, les voitures électriques, un certain nombre de secteurs dans le domaine alimentaire ou dans le domaine de la santé, l’éducation en général, parce qu’on a évidemment besoin d’investir, notamment dans l’enseignement supérieur et dans la recherche. A partir de la définition de ces priorités, on fixera le montant de cet emprunt…
David PUJADAS
Ce sera quoi, une vingtaine de milliards, l’ordre de grandeur ?
François FILLON
Je n’en ai, aujourd’hui, pas du tout idée et je n’ai, en plus, pas du tout envie d’en parler, parce qu’il faut d’abord commencer par parler des priorités…
David PUJADAS
Mais c’est les Français qui seront sollicités en tout cas…
François FILLON
… Notre idée, c’est de solliciter les Français, en tout cas pour une part. Parce que, au fond, derrière cet emprunt, il y a l’idée d’associer la Nation à cet effort. Je pense que face à la crise qu’on rencontre…
David PUJADAS
Il y a un côté psychologique…
François FILLON
… Le maître mot, c’est l’unité nationale. On a besoin d’unité au sein de l’exécutif, on a besoin d’unité au sein de la majorité. Mais on a surtout besoin d’unité avec les Français pour faire face à une crise qui est une crise comme on n’en a jamais connue et pour laquelle aucune des solutions précédentes ne peut être appliquée.
David PUJADAS
Un mot encore, François FILLON, on a le sentiment que sur ce remaniement gouvernemental, la quasi-totalité des décisions ont été prises à l’Elysée. On l’a vu au Congrès de Versailles, finalement, vous n’aviez pas votre mot à dire, pour des raisons constitutionnelles, mais le fait est là ! Alors, est-ce que les textes et la pratique ne conduisent pas à un effacement du Premier ministre qui est de plus en plus difficile à supporter ?
François FILLON
Je vais vous dire, je pense que c’est un débat qui intéresse 300 personnes à Paris. Est-ce que vous pensez un seul instant que les Français attendent que le Premier ministre s’oppose au président de la République ?
David PUJADAS
S’oppose, pas forcément, mais décide autant que lui…
François FILLON
… Pour le reste, vous ne savez pas naturellement ce qui, dans les décisions qui sont prises, revient au président de la République et au Premier ministre. Je peux vous dire que la Constitution est parfaitement respectée. Moi, j’ai en charge, c’est l’article 21 de la Constitution, la conduite du gouvernement. Ce gouvernement, il met en œuvre une politique qui est celle que le président de la République a présentée aux Français. C’est lui qui a été candidat devant les Français, c’est son projet politique que je mets en œuvre.
David PUJADAS
Vous ne rongez pas votre frein ?
François FILLON
Je ne ronge pas mon frein, pour la bonne raison que je mets en œuvre un projet politique auquel j’adhère. Si je n’adhérais pas au projet politique du président de la République, je m’en irais. Parce qu’il n’y a pas de place dans notre système institutionnel pour un Premier ministre qui aurait la volonté de conduire une politique différente ou même si c’est à la marge de la politique du président de la République.
David PUJADAS
Merci, Monsieur le Premier ministre, d’avoir accepté notre invitation ce soir.
On en vient à l’actualité politique évidemment très riche ce soir, la France a un nouveau gouvernement (…) Quel sens donner à ces changements ? Quelle politique pour demain ? Le Premier ministre, François FILLON, est notre invité ce soir. Merci d’avoir choisi FRANCE 2 pour cette première intervention. D’abord, quelques réactions à l’annonce de ce gouvernement (…) On entendait, François FILLON, Jean-Marc AYRAULT dire : « C’est plutôt un gouvernement de fermeture. » C’est vrai qu’il n’y a aucun ministre de gauche nommé. L’ouverture, elle a fait son temps, c’est terminé ?
François FILLON
Non, l’ouverture, ça dure et ça marche. Je veux dire par là que les ministres qui incarnent l’ouverture dans mon gouvernement, qui pour l’essentiel viennent de la gauche, ils ne sont pas partis du gouvernement, donc il n’y avait pas lieu de les remplacer. Bernard KOUCHNER est toujours là, Eric BESSON est toujours là. Ce que nous avons cherché à faire avec le président de la République, c’est à poursuivre l’effort au fond de représentation de la diversité de la société française en allant chercher une compétence comme celle de Frédéric MITTERRAND, qui est reconnu comme un grand professionnel de la culture, ou Nora BERRA ou Marie-Luce PENCHARD, que vous avez montrée à l’instant, ou des jeunes, il y a trois, quatre quadragénaires qui accèdent à des responsabilités nouvelles, je pense à Luc CHATEL, à Bruno LE MAIRE ou à Benoist APPARU. Donc, on poursuit cet effort d’ouverture, l’ouverture n’est pas seulement une ouverture vers la gauche, c’est aussi une ouverture vers la société française.
David PUJADAS
Frédéric MITTERRAND, qu’est-ce que c’est ? C’est la touche de surprise ou d’exotisme qu’il faut à tout gouvernement pour être un peu médiatique ?
François FILLON
Non, c’est un grand professionnel qui va apporter son regard, son expérience, son talent au gouvernement. Il n’y a aucune raison de constituer des gouvernements homogènes, avec des hommes et des femmes qui pensent tous la même chose, qui viennent tous des mêmes horizons. C’est comme…
David PUJADAS
C’était votre choix ?
François FILLON
… C’est comme ça qu’on se ferme. Le gouvernement de fermeture, ce serait celui-là. Donc, avec le président de la République, on a cherché en permanence, depuis deux ans d’ailleurs, à recruter aux bons postes les bonnes personnes. Je pense qu’on a réussi de ce point de vue-là à trouver les bons équilibres.
David PUJADAS
Il y a des éléments qui retiennent l’attention, le secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme est supprimé. Ça veut dire quoi ? Ça ne marchait pas ? C’était inutile ? C’était un artifice ?
François FILLON
Non, en réalité, il n’est pas supprimé, c’est le ministre des Affaires étrangères, Bernard KOUCHNER, qui a en responsabilité désormais la fonction qui était celle de Rama YADE…
David PUJADAS
On aurait pu avoir ce raisonnement avant alors !
François FILLON
C’est vrai qu’on fait des essais, on peut parfois se tromper. On est arrivé, avec Bernard KOUCHNER et avec Rama YADE, à la conclusion que c’était difficile pour une personne d’occuper seulement cette fonction-là. C’était très compliqué, ce n’était pas au fond extrêmement efficace. Donc, on a préféré remettre cette fonction dans le portefeuille de Bernard KOUCHNER qui le défendra avec beaucoup de talent.
David PUJADAS
Alors, ce n’est pas un secret, vous, vous étiez pour un réajustement technique très limité. Finalement, le changement est plus grand, plus profond. Pourquoi ?
François FILLON
D’abord, je voudrais vous faire remarquer que ce n’est pas un remaniement aussi considérable que je l’entends dire. Il y a huit nouveaux entrants et huit sortants sur un gouvernement de trente-neuf personnes…
David PUJADAS
Neuf changements d’affectation.
François FILLON
Il y a beaucoup de stabilité, en particulier il y a beaucoup de stabilité sur des sujets qui, pour moi, étaient absolument fondamentaux, notamment face à la crise économique. Vous constaterez que tous les ministres en charge de l’économie, des finances sont les mêmes. C’est un vrai changement dans notre pays qui avait pris l’habitude de modifier, de changer les ministres des finances quasiment tous les six mois. Alors, c’est vrai qu’on a changé quelques titulaires de poste, d’abord, parce qu’un gouvernement, il faut que ça respire, c’est un métier très, très difficile, surtout à des responsabilités comme l’intérieur ou comme la justice ou comme l’éducation. Et puis, il y a de nouvelles pages qui vont s’écrire avec de nouvelles réformes. On a estimé, avec le président de la République, que pour la réforme de la justice, après le travail remarquable et très difficile qu’avait fait Rachida DATI, il fallait quelqu’un qui incarne cette réforme. Pour la réforme des collectivités locales, qui va être conduite par Brice HORTEFEUX à l’Intérieur, il nous a semblé que c’était l’homme le plus apte à convaincre la majorité parlementaire de conduire cette réforme. Voilà, donc on cherche en permanence à trouver la bonne personne à la bonne place.
David PUJADAS
Alors, quelle sera la politique suivie ? Avant de vous entendre sur le sujet, deux chiffres et un commentaire. Les chiffres, les voici, c’est le ministère du Budget qui les donne et ils montrent le plongeon des comptes publics ; déficit prévu cette année : 140 milliards d’euros tout compris, soit 7 à 7,5 % du PIB, c’est un record absolu ; la dette fait un bond à près de 1 500 milliards d’euros et 77 % du PIB, là aussi, on bat tous les records. Le commentaire, c’est celui de Philippe SEGUIN, le président de la Cour des comptes, qui a rendu son rapport annuel, qui était l’un de vos proches, François FILLON, il parle de « fuite en avant, plus on attend, plus il faudra payer », dit-il. On l’écoute.
(Déclaration Philippe SEGUIN)
David PUJADAS
Soixante-dix milliards d’économie, dit Philippe SEGUIN. Monsieur le Premier ministre, est-ce qu’il honnête de dire qu’on n’augmentera pas les impôts ?
François FILLON
Oui, parce qu’il faut distinguer deux choses. Philippe SEGUIN a raison, il est dans son rôle en alertant sur l’importance du déficit. Il faut ajouter que tous les pays développés sont aujourd’hui dans la même situation. Il y a deux…
David PUJADAS
Sauf l’Allemagne, qui est un peu moins…
François FILLON
Enfin, qui est en train de voir son déficit augmenter, même si elle part effectivement d’une situation meilleure. Il y a deux déficits, il y a le déficit structurel, c’est-à-dire les dépenses courantes, quotidiennes, sur lesquelles…
David PUJADAS
La moitié du déficit, dit Philippe SEGUIN.
François FILLON
… Qui représentent la moitié du déficit et sur lesquelles nous avons, depuis trois ans, porté un effort considérable. Depuis trois ans, pour la première fois depuis très longtemps, les dépenses de l’Etat ont été gelées à zéro et elles le seront encore en 2010. On a engagé un effort de réduction des emplois publics, qui est d’ailleurs difficile parfois à accepter par nos concitoyens, qui va se poursuivre en 2010. On a surtout engagé des réformes structurelles qui permettront de réduire ce déficit. La réforme des collectivités territoriales, elle vise à réduire le nombre d’échelons, à enlever de la complexité dans le système pour réduire les coûts…
David PUJADAS
Elle n’est pas encore engagée…
François FILLON
Non, mais il faut, justement, c’est bien pour ça qu’on veut accélérer les choses. La réforme des retraites, qui a connu déjà trois étapes, la fonction publique, les régimes spéciaux, l’ensemble des régimes de retraite, le président de la République a fixé un rendez-vous en 2010 qui va nous conduire à prendre des décisions qui seront forcément des décisions fortes, soit sur l’allongement de la durée de cotisation, c’était la proposition que la majorité avait acceptée dans la réforme que je portais, soit…
David PUJADAS
C’est inévitable ?
François FILLON
C’est absolument inévitable, parce que la vie s’allonge. Soit, sur l’allongement de la durée légale, enfin sur l’allongement de la durée légale de départ à la retraite. Aujourd’hui même, a été votée, après bien des débats, une réforme fondamentale de l’hôpital qu’a portée Roselyne BACHELOT, qui va conduire à réduire les déficits. Donc, il y a d’abord cet effort de réduction des déficits structurels sur lequel je suis parfaitement d’accord avec Philippe SEGUIN et j’ai toujours dit que, moi, je ne céderai jamais sur cette question parce que, pour moi, elle est fondamentale. A côté, vous avez les déficits qui sont liés à la crise, c’est-à-dire les dépenses de relance, les recettes qui sont en chute libre. C’est là où le président de la République a fait une proposition que nous allons mettre en œuvre, qui consiste à investir massivement – je sais que ça peut paraître paradoxal – dans des secteurs porteurs d’avenir en termes de création de richesse et de création d’emploi. Parce que pour nous, la seule façon de réduire ce déficit, c’est d’aller chercher de la croissance. Si on augmente les impôts aujourd’hui, on va accroître la récession dans notre pays. Si on augmente les impôts, demain, au moment où on sortira de la crise, on cassera la reprise. Donc, la seule solution, c’est de faire ce qu’on a fait dans les années 60 quand on a financé massivement le nucléaire, l’aéronautique, le spatial…
David PUJADAS
Alors, Nicolas SARKOZY dit : Un grand emprunt sera lancé. Est-ce qu’on peut en savoir davantage ? Combien ? A quel taux ? Qui sera sollicité pour le souscrire ?
François FILLON
Avant de lancer l’emprunt, on va d’abord définir les vraies priorités stratégiques. Pour moi, il est absolument essentiel que pas un euro de cet emprunt ne soit utilisé à des dépenses qui seraient des dépenses non prioritaires, qui ne seraient pas des dépenses utiles, qui ne seraient pas des dépenses qui génèreraient de la richesse. Je réunis le gouvernement dès dimanche prochain pour fixer ces priorités, en tout cas du point de vue gouvernemental. Le 1er juillet, avec le président de la République, on va recevoir les syndicats, les partenaires sociaux, pour débattre avec eux de cette question. Et puis, ensuite, le Parlement, dans les semaines suivantes, sera amené à prendre des décisions sur les priorités…
David PUJADAS
Est-ce qu’on a une idée des grands thèmes qui seront concernés ?
François FILLON
On peut imaginer naturellement que les biotechnologies, que l’énergie du futur, les voitures électriques, un certain nombre de secteurs dans le domaine alimentaire ou dans le domaine de la santé, l’éducation en général, parce qu’on a évidemment besoin d’investir, notamment dans l’enseignement supérieur et dans la recherche. A partir de la définition de ces priorités, on fixera le montant de cet emprunt…
David PUJADAS
Ce sera quoi, une vingtaine de milliards, l’ordre de grandeur ?
François FILLON
Je n’en ai, aujourd’hui, pas du tout idée et je n’ai, en plus, pas du tout envie d’en parler, parce qu’il faut d’abord commencer par parler des priorités…
David PUJADAS
Mais c’est les Français qui seront sollicités en tout cas…
François FILLON
… Notre idée, c’est de solliciter les Français, en tout cas pour une part. Parce que, au fond, derrière cet emprunt, il y a l’idée d’associer la Nation à cet effort. Je pense que face à la crise qu’on rencontre…
David PUJADAS
Il y a un côté psychologique…
François FILLON
… Le maître mot, c’est l’unité nationale. On a besoin d’unité au sein de l’exécutif, on a besoin d’unité au sein de la majorité. Mais on a surtout besoin d’unité avec les Français pour faire face à une crise qui est une crise comme on n’en a jamais connue et pour laquelle aucune des solutions précédentes ne peut être appliquée.
David PUJADAS
Un mot encore, François FILLON, on a le sentiment que sur ce remaniement gouvernemental, la quasi-totalité des décisions ont été prises à l’Elysée. On l’a vu au Congrès de Versailles, finalement, vous n’aviez pas votre mot à dire, pour des raisons constitutionnelles, mais le fait est là ! Alors, est-ce que les textes et la pratique ne conduisent pas à un effacement du Premier ministre qui est de plus en plus difficile à supporter ?
François FILLON
Je vais vous dire, je pense que c’est un débat qui intéresse 300 personnes à Paris. Est-ce que vous pensez un seul instant que les Français attendent que le Premier ministre s’oppose au président de la République ?
David PUJADAS
S’oppose, pas forcément, mais décide autant que lui…
François FILLON
… Pour le reste, vous ne savez pas naturellement ce qui, dans les décisions qui sont prises, revient au président de la République et au Premier ministre. Je peux vous dire que la Constitution est parfaitement respectée. Moi, j’ai en charge, c’est l’article 21 de la Constitution, la conduite du gouvernement. Ce gouvernement, il met en œuvre une politique qui est celle que le président de la République a présentée aux Français. C’est lui qui a été candidat devant les Français, c’est son projet politique que je mets en œuvre.
David PUJADAS
Vous ne rongez pas votre frein ?
François FILLON
Je ne ronge pas mon frein, pour la bonne raison que je mets en œuvre un projet politique auquel j’adhère. Si je n’adhérais pas au projet politique du président de la République, je m’en irais. Parce qu’il n’y a pas de place dans notre système institutionnel pour un Premier ministre qui aurait la volonté de conduire une politique différente ou même si c’est à la marge de la politique du président de la République.
David PUJADAS
Merci, Monsieur le Premier ministre, d’avoir accepté notre invitation ce soir.