Au lendemain de la conférence de presse du Président de la République, François Fillon répond aux questions du Figaro. L'ex-premier ministre se prononce entre autre pour le vote d'une loi rétablissant l'uniforme scolaire dans le primaire et les collèges.
François Hollande a-t-il réussi sa conférence de presse?
On l'a senti plus sûr de lui, plus grave que d'habitude. Malheureusement, cette assurance ne sert à rien. Où sont les propositions courageuses? Le président se trompe s'il pense pouvoir faire vivre l'esprit du 11 janvier sur fond de croissance molle. Plus François Hollande continuera de brandir l'unité nationale sans lui donner de contenu, plus le réveil sera brutal.
En matière économique, il a expliqué que l'essentiel des réformes avait été adopté…
Il se contente de peu! Ses résultats économiques sont calamiteux. Toutes les prévisions sont négatives. La France est en situation de décrochage, et ce décrochage est la cause principale de notre crise d'identité. François Hollande a détruit dans les six premiers mois du quinquennat la totalité des mesures que nous avions mises en place avant lui en faveur de la croissance et de la compétitivité. Puis il s'est employé à rétablir maladroitement ce qu'il avait détruit. Le projet de loi Macron était la dernière occasion d'enclencher le redressement économique. Faute d'ambition et de dialogue avec l'opposition, cette loi aura un impact infinitésimal, de l'ordre de 0,1 % de croissance pour les économistes les plus optimistes.
Le projet n'est-il pas l'occasion d'afficher une unité nationale?
Si cette unité n'était pas qu'une simple posture à ses yeux, l'occasion d'un vrai débat républicain était donnée. J'ai proposé des amendements sur l'assouplissement du temps de travail, la réforme des seuils sociaux, les accords pour l'emploi offensifs. L'évolution de la discussion parlementaire montre qu'il n'en sera probablement pas question.
Il a dit qu'il ne toucherait pas à la loi de 1905. Est-ce souhaitable?
Je suis attaché au principe de la laïcité, mais poser comme postulat que rien ne doit évoluer est une erreur. La loi de 1905 n'est pas une relique dans un musée. Si on veut pleinement réussir l'intégration de la religion musulmane dans la République, il ne faut rien s'interdire. La loi ne nous offre pas aujourd'hui la possibilité de contrôler la formation des imams, pas plus que la source de financement des lieux de culte.
À propos du duel FN-PS dans le Doubs, le président rappelle qu'il a appelé à voter Jacques Chirac en 2002…
La comparaison entre le deuxième tour d'une présidentielle et le remplacement de Pierre Moscovici dans le Doubs n'est pas raison. Depuis 2002, l'endiguement du FN n'a pas fonctionné, le danger a prospéré. On ne peut donc pas se contenter de répéter de manière pavlovienne les formules du passé. Nous devons nous opposer au FN parce qu'il apporterait le chaos dans le pays. Mais, pour autant, un parti comme l'UMP ne peut pas cautionner l'échec total de la majorité en appelant à voter pour un candidat socialiste.
Au nom de la lutte contre la ségrégation, faut-il durcir la loi SRU?
C'est le contraire de ce qu'il faudrait faire! Son appel à une «politique de peuplement» résonne étrangement, avec des accents soviétiques qui me paraissent malvenus. D'autant plus que cette politique volontariste n'a jamais produit de résultats convaincants. Je propose l'inverse: qu'on rende aux maires leur liberté, qu'on égalise les conditions entre les bailleurs sociaux, qu'on crée une allocation sociale unique, mais modulée en fonction de la situation réelle des personnes. La mixité est d'abord une question d'emploi. Et face à la bataille du chômage, François Hollande a montré son impuissance. J'ajoute que, sans une réduction forte des flux migratoires, la mixité et l'intégration sont une illusion.
Ses propositions sur le service civique et l'école vont-elles dans le bon sens?
Elles sont très insuffisantes! Je suis sceptique sur un service civique qui intervient beaucoup trop tard dans la vie d'un jeune. C'est entre 3 et 18 ans, et non après 18 ans, que l'essentiel se joue: le respect de l'autorité, le sens de l'appartenance à la communauté nationale. Je propose une vraie responsabilisation des directeurs d'école grâce à plus d'autonomie, je demande aussi que l'on cesse de contingenter l'enseignement privé de façon arbitraire à 20 % des établissements. Je souhaite enfin que l'on vote une loi en faveur de l'uniforme scolaire dans le primaire et dans les collèges. Il rappellera que, dans l'école de la République, chacun est l'égal de l'autre.
François Hollande va avec Angela Merkel en Ukraine et à Moscou. Approuvez-vous cette initiative?
C'est la seule bonne nouvelle de cette conférence, mais que de temps perdu! Depuis le début de cette crise, je n'ai cessé de demander à François Hollande et Angela Merkel de prendre l'initiative de proposer un véritable plan de paix qui respecte les intérêts de l'Ukraine comme ceux de la Russie. On ne peut pas laisser s'installer la guerre à l'Est de l'Europe. Surtout quand les États-Unis risquent d'attiser un conflit qui est très loin de chez eux, en proposant notamment d'armer les Ukrainiens.
Face aux menaces, le président aurait-il dû proposer un effort exceptionnel en faveur de la Défense?
Il aurait dû profiter du formidable mouvement de solidarité des chefs d'État européens le 11 janvier pour mettre Angela Merkel et nos partenaires devant leurs responsabilités. Il aurait pu leur dire: «Vous êtes de tout cœur avec nous, mais cela ne suffit pas! Intervenez à nos côtés, ou au moins acceptez de retirer dans le calcul de nos déficits notre budget militaire.» Il a raté cette occasion.