Tribune publiée ce vendredi dans le journal Le Figaro
En mai 2012, François Hollande n’a pas été élu sur un programme, il l’a confirmé deux ans plus tard.
Parler aujourd’hui de disparition de sa majorité relève d’une construction intellectuelle ou d’une illusion politicienne. Il n’y a jamais eu, depuis 2012, de majorité pour mettre en œuvre un programme politique destiné à remédier aux lourdes difficultés de notre pays. Il y a une alliance de circonstance entre partis qui se disent de gauche pour exercer le pouvoir, et une alliance d’intérêts à l’intérieur du parti socialiste entre des factions qui ne partagent ni diagnostic, ni analyses, ni propositions, dans le cadre d’une stratégie qui est avant tout électoraliste. D’ailleurs, cette majorité qui n’est que la combinaison de tactiques personnelles perdurera dans les faits, comme le montre le rejet de la motion de censure, tant que chacun y conservera son intérêt, grâce aux deux béquilles de l’inaction gouvernementale d’un côté et des effets de tribune sans conséquence de l’autre. Le seul résultat hélas sera la désaffection croissante des français pour la politique quand elle est faite ainsi, et la montée des extrêmes.
Depuis 2012, l’amateurisme l’a disputé au dogmatisme. Naviguant à vue, le Président de la République a changé de ligne en permanence, se bornant à guetter les circonstances propices ou à attendre les vents favorables.
Et pourtant, aussi imparfaite soit-elle, la loi Macron était une première occasion de tenter autre chose. Dès le début de la discussion, j’avais annoncé être prêt à voter ce texte sous certaines conditions, délibérément limitées afin de laisser une vraie chance au progrès.
Ma démarche n’était pas anodine, transcendant les intérêts des partis, elle se voulait utile au sursaut du pays. Elle n’a récoltée qu’une fin de non recevoir de la part du Président et de son Premier ministre.
La petite politique, celle qu’aime et que connaît si bien François Hollande lui interdisait sans doute de considérer l’intérêt du pays avant le maintien sous respiration artificielle de la chimère qui structure sa vie politique depuis plus de 30 ans : la synthèse au Parti socialiste.
J’ai participé aux débats en les abordant dans l’esprit le plus constructif possible. Jusqu’à ce qu’il soit clair hélas que les consignes données au ministre Macron n’étaient pas de construire, sur ce texte présenté comme important, une majorité d’idées pour réformer le pays, mais seulement d’amadouer l’aile gauche de sa « majorité » par une suite de concessions qui vidaient, peu à peu, un texte déjà peu ambitieux de son intérêt.
Et pourtant, si on pouvait aller au 49-3, pourquoi alors ne pas faire un vrai texte de rupture ? On assiste avec stupeur au psychodrame de dernière minute, vaguement dramatisé par des scénaristes de pacotille, pour vérifier si oui ou non existe une majorité pour le compromis élaboré dans la douleur, et constater que non. Mais n’aurait-on pas gagné, collectivement, à effectuer cette vérification d’emblée ? Le ministre et le gouvernement n’avaient-ils vraiment aucune idée, en entamant les débats, du compromis qu’ils étaient prêts à accepter ? Et s’il apparaissait que celui-ci n’était pas acceptable pour les opposants internes du PS, alors pourquoi reculer aussi souvent en faisant mine de chercher une majorité impossible de ce côté-là ? Et surtout, pourquoi refuser toutes les propositions qui auraient permis de bâtir un texte vraiment utile, en allant chercher sur tous les bancs de l’Assemblée l’illustration de cette « unité nationale » ou de cet « esprit républicain » qui sert désormais de mantra aussi creux qu’agressif au Premier ministre ?
La loi Macron, je l’ai dit d’emblée, avait deux caractéristiques : elle allait plutôt dans le bon sens, celui de la libération plutôt que de la contrainte ; elle manquait singulièrement d’ambition. La question était donc : vaut-il mieux une ébauche de réformette ou rien du tout ? Dit autrement, comment un député de droite peut-il voter contre un texte qui, même très imparfait, va plutôt dans le sens qu’il préconise ?
La réponse n’est pas simple. Mais elle détermine une différence d’approche fondamentale pour les futurs programmes.
En effet, si je suis convaincu que la France a la capacité de se réformer, je sais aussi, pour l’avoir pratiquée, que la réforme est difficile, douloureuse, exigeante. La situation de notre pays est celle d’un malade qui ne peut pas se permettre une succession de petits cautères, une alternance de petits remèdes variés, le tout derrière un discours lénifiant et attentiste. Il faut au contraire un traitement clair, énergique et déterminé. Voter la loi Macron, dans l’état où les tractations internes au PS l’avaient laissée sans même parvenir à convaincre, aurait été une erreur.
On ne peut plus se payer le luxe de la demi-mesure. On ne peut plus galvauder une partie importante de l’énergie politique de notre pays pour des réformettes aux résultats incertains. On ne doit plus bercer les français dans l’illusion que le chômage de masse, l’insécurité grandissante ou la réponse à des défis géopolitiques sans précédent se résoudront par l’application localisée d’une petite pommade indolore.
Cela implique la construction d’un programme, l’élection d’une majorité sur cette base, et sa mise en œuvre sans compromis. Cette ambition est désormais le sens de mon action politique.