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1 mars 2006 3 01 /03 /mars /2006 12:04
Rendez vous Jeudi 2 mars à 20 h 30 (retransmission à 0 H) sur la chaine parlementaire pour l'émission question d'info.

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11 février 2006 6 11 /02 /février /2006 17:07

Je ne résiste pas au plaisir de mettre en ligne cette magnifique Alfa Roméo 6C de 1960 exposée à Rétromobile!


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9 février 2006 4 09 /02 /février /2006 21:56

Visite cette après midi du salon Rétromobile porte de Versailles.

A  voir absolument une BMW M1 Procar magnifique, une Aston Martin DB4 de 1954 ayant appartenu à Peter Ustinov, une Brasier qui a couru le grand prix de l’ACF sur le circuit de la Sarthe en 1907et une Rolls Royce qui a fait le…Paris Dakar !

Pour tous les amateurs de voitures anciennes c’est jusqu’au 19 février !

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21 janvier 2006 6 21 /01 /janvier /2006 00:00
Discours prononcé aux « Journées citoyennes » du Sénat le 21 janvier 06
 
Comment provoquer et assurer une croissance durable ? Peut-on viser le plein emploi, et si oui, comment ? Merci à tous les intervenants de cette table-ronde qui ont accepté de répondre à ces interrogations. Ensemble, je nous invite à croiser librement nos propositions, qui, je l'imagine, ne sont pas toutes identiques…

Comment renouer avec la croissance et l'emploi en France ? » : La question est d'actualité, mais ce qu'il y a de terrible c'est qu'elle aurait pu être posée l'année dernière comme il y a 15 ans. Depuis cette date, la France vit, en effet, avec un taux de croissance moyen de 1,7%, soit un point de moins que la plupart de nos partenaires. L'un entraînant l'autre, notre taux de chômage n'a cessé d'augmenter depuis les années 80, nous plaçant dans le bas du tableau européen.

Au regard de ce calendrier, chacun en conclura que la droite et la gauche n'ont pas fondamentalement réussi à trouver les voies d'une prospérité durable et du plein emploi. Les responsabilités étant partagées, j'estime que l'exigence d'un changement de cap repose bien sur les épaules des uns et des autres.

Au regard de la profondeur et de la longévité de la crise économique et sociale qui frappe notre pays, ma conviction est personnellement faite : c'est bien le système français dans son ensemble qui génère une faible croissance et le chômage de masse. C'est donc bien une politique globale, faite de ruptures, qui mérite d'être réfléchie et engagée.

Certes la France a plein d'atouts en mains - dont notamment celui d'une productivité supérieure à celle de nos principaux concurrents – mais il n'est plus possible de passer sous silence ses handicaps structurels et culturels.

Premier handicap : notre organisation éducative et universitaire est dépassée et ne prépare pas les jeunes à une entrée réussie dans la vie active. Tous les ans, 15.000 jeunes sortent littéralement du système éducatif alors même qu'il est obligatoire. On compte également 150.000 adolescents qui ne savent pas véritablement lire, écrire et compter à la sortie du collège. Si le chômage des jeunes est en France l'un des plus élevés d'Europe, c'est bien le résultat d'une inadaptation de notre système éducatif que j'ai tenté de corriger à travers trois mesures : la définition d'un socle commun de connaissances, 3 heures hebdomadaires de soutien pour tous ceux qui décrochent, le développement d'un enseignement de " découverte professionnelle" pour sensibiliser et mieux orienter les jeunes vis à vis du monde du travail.
Quant à l'Université, chacun connaît ses pesanteurs, comme chacun connaît également les pesanteurs de notre appareil de recherche. On ne peut, à mes yeux, assumer le défi de la plus value intellectuelle ( qui est l'atout maître des vieilles puissances industrielles face aux pays émergents ! ) si l'Ecole ne répond pas à l'objectif des 100% de formation et si l'université ne répond pas à celui de l'excellence.

Second handicap : nous avons l'un des marchés de l'emploi les plus rigides et les plus administrés d'Europe. Cette rigidité protége éventuellement ceux qui ont un emploi, mais dissuade assurément l'embauche de tous les autres ou, au mieux, les renvoie vers des contrats à durée déterminée. L'explosion des CDD depuis 10 ans – bref, de la flexibilité et de la précarité – est le revers de la rigidité et de la complexité de notre droit du travail.

Troisième handicap : nous travaillons moins que nos voisins et au surplus moins longtemps puisque le taux d'activité des seniors est, on le sait, particulièrement faible chez nous. En moyenne, nos concitoyens travaillent 1561 heures par an, contre 1826 heures en Espagne, qui est le meilleur élève de la classe européenne. Depuis 1970 : l'économie française, c'est 15 heures de moins chaque année ! Dois-je préciser, dans la foulée, que le coût horaire de notre main d'œuvre est l'un des plus élevés d'Europe, seules la Suède et la Belgique faisant "mieux" que nous.

Le quatrième handicap : c'est le caractère erratique et dogmatique des relations sociales en France. D'un côté, nous avons un Etat qui se croit autorisé à légiférer sur tout, de l'autre, nous avons des syndicats faibles et protestataires. Cette situation est contraire à la culture des compromis efficaces, c'est à dire la culture des réalités économiques et du terrain.
Enfin, le cinquième handicap me renvoie à l'organisation même de notre démocratie, je veux dire par-là, à son irrégularité et sa conflictualité idéologique, ces deux travers minant nos stratégies économiques. Au Royaume-Uni, il a fallu douze ans pour passer de 10,3% de chômeurs à 4,5%. 12 ans d'efforts continus et globalement cohérents, malgré les changements de majorité.  Même chose en Espagne où il fallut 10 ans pour passer de 23% à moins de 10%.  Même chose au Danemark pour passer de 10,7 en 1993 à 4,9% aujourd'hui…

Dans tous ces pays, la réduction du chômage s'est fondée sur un diagnostic partagé ciblé sur quatre objectifs : la recherche de la performance dans le secteur privé mais aussi public, la maîtrise de la dépense publique ( passée en Suède de 73% à 58% ! ), la baisse des charges et des contraintes pesant sur les entreprises, l'activation des dépenses de solidarité à l'appui, notamment, d'une aide et d'un contrôle plus sérieux sur les demandeurs d'emploi.

Sans être exhaustif, voilà les handicaps, les plus prégnants. Au regard de cette longue liste, il m'apparaît impossible de changer la donne par des ajustements à la marge.

Il faut une action globale dont je souhaite vous livrer les principaux axes.

Le premier axe est culturel. La France n'est, sur le plan intellectuel, pas encore entrée de plein pied dans l'ère de la mondialisation et des changements de fond qu'elle a déclenché. Pendant des siècles, nous avons dominé la planète et ses richesses, cette domination nous permettant d'accéder à un niveau de vie dont 90% des Etats de la planète furent privés pendant des siècles. Ce temps là est fini ! De nouvelles puissances émergent et réclament leur part du progrès. Si nous voulons "tirer notre épingle du jeu", si nous voulons sauver notre modèle social, nous n'avons pas d'autre choix que de nous réinventer et de "nous retrousser les manches". Inutile de raconter des histoires : pour conquérir la croissance et des emplois, il va falloir nous battre et cesser de stigmatiser à tout bout de champ l'économie de marché et la valeur du travail  ! Tout autre discours est démagogique.

Le second axe est celui de la recherche et de l'innovation dont il nous faut booster les potentiels. Dans cet esprit, il faut moderniser la gouvernance de nos universités, ce qui passe par une autonomie accrue. Il faut rénover notre outil de recherche en lui donnant de la souplesse, en l'évaluant davantage et en lui fixant des priorités autour desquels les efforts européens doivent converger. Dans cette perspective, l'Etat à son rôle à jouer. Encore faut-il qu'il ait des marges de manœuvre ! Or, chacun le sait, ses capacités d'investissement ( de l'ordre de 3 % du PIB ) sont réduites à néant sous le poids de la dette, de ses déficits et le coût d'un modèle social, qui, au demeurant, craque de toutes parts.

Ceci me conduit au troisième axe : celui de la réforme de l'Etat. Il n'y a que deux façons de trouver des marges de manœuvre : par l'impôt ( mais notre pays se situe dès à présent parmi les plus "voraces" en la matière ) ou par la modernisation de la puissance publique et la réduction de ses effectifs. L'heure est venue d'engager une revue de nos dépenses pour les réduire et les optimiser, comme l'ont fait le Canada ou la Suède. Et il convient, dans le même élan, de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ; les économies ainsi dégagées devant, selon moi, être orientées, d'une part, vers l'investissement et, d'autre part, vers le rétablissement de nos comptes publics.
Le quatrième axe, c'est celui de l'assouplissement du marché de l'emploi. Notre code du travail est illisible et dissuasif pour les chefs d'entreprises. Pour tout dire, il est impitoyable pour celles et ceux qui cherchent un emploi. Il faut rationaliser et simplifier le code du travail. Le rapport De Virville propose des pistes utiles en la matière. Récemment, le Contrat Nouvelle Embauche a provoqué des débats… Ce contrat constitue, selon moi, une avancée utile… Faut-il aller plus loin ? Personnellement, je suis favorable à l'instauration d'un contrat unique, mais – je dirais – modulaire, en fonction des intérêts des entreprises, des salariés ou mêmes des branches d'activités.

Cet assouplissement du marché du travail devrait nous conduire à revoir la question des allègement de charges. Cette manne de 17 milliards d'euros destinée à abaisser le coût du travail perd de son sens, dès lors que les conditions d'embauche et de licenciement seraient assouplies.
Le cinquième axe, c'est celui du suivi des chômeurs. Notre système est éclaté, peu rigoureux mais également peu motivant pour les chômeurs qui sont souvent livrés à eux mêmes.

Face à cette situation, je suggère quatre pistes :

 1) le droit individuel à la formation doit s'imposer dans les moeurs, conformément à la loi du 4 mai 2005 qui garantit 20 heures de formation supplémentaire à tous les salariés ;

 2) l'UNEDIC et l'ANPE doivent être fusionnées car le pouvoir de donner et contrôler les allocations chômage et le pouvoir de proposer un emploi doivent être placés entre les mêmes mains ;

3) la philosophie du Revenu Minimum d'Activité doit être accentuée permettant un véritable cumul des prestations sociales et du salaire afin de distinguer plus fortement les revenus du travail de ceux de l'assistance ;

4) j'estime nécessaire de réduire le délai de l'indemnisation du chômage ( qui est, en France, de l'ordre de deux ans ). Je propose que les demandeurs d'emploi, sur la base du volontariat, soient mieux indemnisés mais pendant une durée significativement plus courte, de l'ordre de dix mois.

Le cinquième axe auquel je crois, c'est celui d'une franche modernisation du dialogue social. Aujourd'hui, nous demeurons dans les rapports de force permanents. C'est, me direz-vous, le fruit de notre Histoire politique et sociale. Eh bien, j'estime qu'il est temps de sortir de cette histoire, car ni l'emploi, ni la croissance, ne peuvent s'épanouir dans un tel climat.

Il faut créer les conditions d'un réformisme social responsabilisé qui puisse s'exprimer davantage sur le terrain. Dans cette perspective, il faut aller au bout de la logique de la loi du 4 mai 2004 qui a pour objet d'instaurer le principe de l'accord majoritaire.

A cet égard, je suggère d'élargir la représentativité syndicale en posant la question du maintien de la présomption irréfragable de représentativité; je propose la généralisation du principe majoritaire, à la fois dans les branches et les entreprises, par majorité d'adhésion et non plus d'opposition ; enfin, je suis favorable, dans les PME de plus de 50 salariés, à une fusion des instances de consultation et des instances de négociation.

Voilà brièvement, mesdames et messieurs, les réformes qui peuvent créer un environnement favorable à la croissance et l'emploi. Elles doivent être accompagnées par deux objectifs  complémentaires : une baisse progressive des impôts fondée notamment sur une rationalisation des barèmes, et une discussion nourrie avec nos partenaires européens sur la nature et les buts du pacte de stabilité… Nous touchons là au statut de la banque centrale européenne et au gouvernement économique de l'Europe. Ce n'est pas en demeurant balbutiant et hésitant dans ses stratégies de croissance, que l'Union sortira de la déprime politique et économique.

Un dernier mot, enfin. La France est à un moment charnière de son histoire. Entre le lent déclin et le sursaut, il va falloir choisir. L'élection de 2002 a privé notre peuple d'un véritable débat sur les moyens de réorganiser de fond en comble notre pacte économique et social. En 2007, je souhaite que ce large débat contradictoire et pédagogique dont notre pays a tant besoin puisse se tenir. Il faudra que cette élection soit un moment de vérité car j'ai la conviction que nous ne sortirons pas notre pays de l'impasse avec les idées et les mesures qui prévalent depuis 20 ans.

Mesdames et messieurs,

En me livrant si nettement, j'ai conscience de m'être quelque peu écarté de mon rôle de président de notre table-ronde. Mais du moins ai-je lancé le débat entre nous. Sous la conduite de Emmanuel Lechypre, du Journal l'Expansion, il vous revient maintenant de nous faire partager vos analyses.

Le temps est à la réflexion, il sera bientôt à l'audace. L'urgence ne se discute plus. La crise des banlieues - qui grâce au Ministre de l'Intérieur a été gérée avec fermeté et doigté – n'est que le point saillant d'un malaise plus général : le malaise français.

Nous pouvons en sortir. Nous en avons les atouts. Nous en avons l'intelligence. Nous avons en l'expérience car ce n'est pas la première fois que notre pays est dans le creux de la vague.

Le sursaut est nécessaire à la France, la France est nécessaire à l'Europe qui, elle aussi, est aujourd'hui dans l'impasse. L'Europe ne fera rien de grand sans la France, et la France ne fera rien de fort pour l'Europe si, chez nous, la faiblesse, l'hésitation et la peur des horizons qui bougent, persistent à nous paralyser.

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3 décembre 2005 6 03 /12 /décembre /2005 00:00
Mesdames et messieurs,
Mes chers amis et compagnons,

Pour nous, il n'y a qu'une seule façon de concevoir la France : au sommet et non dans le fossé. Et il n'y a qu'une manière d'aborder le XXIème siècle : debout et non à genoux.

Voilà l'esprit qui nous rassemble depuis ce matin.

Merci pour votre présence si nombreuse. Merci à tous les adhérents de France.9 qui nous font confiance et qui ont contribué à l'organisation de cette journée. Merci à nos invités, français et étrangers, qui nous ont fait partager leurs analyses. Merci enfin à tous mes amis parlementaires qui nous ont fait l'amitié de répondre présent.

"Debout et non à genoux, au sommet et non dans le fossé" : en usant de cette image, je ne cède pas aux réflexes de l'arrogance et du chauvinisme.

L'analyse objective et humble de la France me conduit, bien au contraire, à dire que le temps du sursaut est venu. Et ce sursaut a pour moi le visage de l'audace et de l'ouverture et non celui de la suffisance et des certitudes.

Que cela plaise ou non, que certains tentent de jouer avec les mots ou les échéances, nous sommes face à un tournant historique : d'un côté, il y a le monde occidental, vieillissant, assis sur les trésors aléatoires de son passé, de l'autre, il y a des continents en marche ; ils sont jeunes, sans complexe, bien décidés à saisir toutes leurs chances pour assurer leur prospérité, une prospérité dont ils ont été privés depuis des siècles.

Il est inutile de nous raconter des histoires et il est vain de nous draper derrière des formules vaniteuses et cocardières : ce tournant historique frappe de plein fouet le modèle français. Le diagnostic est là, sous nos yeux : notre pacte républicain est lézardé ; notre socle social est affaissé ; l'Etat vit à crédit ; nous sommes sur-endettés et l'ardoise de 2000 milliards d'euros laissée à nos enfants devient écrasante ; notre croissance oscille péniblement entre 1% et 2% depuis quinze ans ; le chômage de masse s'est installé dans notre paysage comme une fatalité ; notre influence européenne est dans le ruisseau…

Ce tableau, j'en assume une part de responsabilité car j'ai eu l'honneur d'avoir exercé de hautes fonctions. J'espère ne pas avoir démérité : partout ou je fus en charge je me suis efforcé d'engager, sans jamais céder, des réformes dont certaines eurent les allures de bras de fer. Mais ceci dit, j'assume ma part de responsabilité parce que nous n'avons pas collectivement réussi à hisser notre pays au meilleur de lui-même.

Le tableau de la situation française n'est pas reluisant mais du moins a t-il le mérite de nous placer devant un miroir. Désormais, nous n'avons pas d'autre choix que de nous poser les bonnes questions, c'est à dire les questions qui nous secouent et non celles qui nous rassurent.

Continuons-nous à esquiver les défis de la mondialisation ou acceptons-nous de les affronter en en nous réorganisant et en affûtant nos atouts ? Continuons-nous à ajuster à la marge notre organisation économique et sociale ou décidons-nous de nous attaquer aux racines de nos problèmes ? Continuons-nous à flatter l'opinion ou prenons-nous le risque de tout mettre sur la table ?

Ces questions, je souhaite les voir au cœur du rendez-vous de 2007; je veux qu'elles provoquent ce grand débat démocratique dont notre pays a instamment besoin.

Pourquoi un grand débat démocratique ?

Parce que ces questions n'ont pas pour seules réponses des mesures venant d'en haut. Elles appellent aussi une révolution des esprits car dans les profondeurs du pays, chacun doit, à sa mesure, sentir que le temps des changements individuels et collectifs est là !

Chacun doit se demander s'il est d'un peuple dont les ambitions s'assouvissent désormais dans l'individualisme, le corporatisme et le poujadisme, ou s'il est de ce peuple passionné et aventurier pour qui rien n'est impossible ! Chacun doit se demander s'il est de ces citoyens aux esprits craintifs, ces consommateurs à l'âme égoïste, ces apothicaires de nos droits acquis, ou s'il est le citoyen inventif, téméraire et fraternel qui donne à son pays autant qu'il reçoit de lui. Pour tout dire, chacun doit se demander s'il prend le parti du déclin tranquille ou celui du redressement exigeant. Voilà l'interrogation fondamentale qui, d'ici 2007, doit cheminer dans l'esprit de chaque français et se cristalliser lors d'un débat démocratique qui devra être suffisamment tranché et pédagogique pour ne pas être vain.

Il faut peu de choses pour relancer et réinventer la France, mais il faut néanmoins une chose essentielle, une chose dont chacun d'entre-nous doit être l'un des chaînons  : le courage !

Le courage de se poser les bonnes questions, le courage d'imaginer de nouvelles réponses dont certaines d'entre-elles ne peuvent que bousculer nos pratiques et de nos habitudes.

Mes chers amis,
J'ai voulu cette journée de réflexion et de mobilisation pour deux raisons majeures.

La première, parce que j'estime qu'il ne peut y avoir de véritable victoire politique - je veux dire de victoire qui ne s'apparente pas à un feu de paille - sans domination intellectuelle. Face à l'opposition, nous devrons incarner l'innovation et l'imagination. Nous devons débattre, réfléchir, proposer, confronter nos points de vue comme nous l'avons fait ce matin. Tout s'y prête : le monde change, les certitudes idéologiques sombrent, les clivages partisans s'aplanissent. Pour tout dire, les pyramides d'hier s'effondrent entraînant dans leur chute la vieille gauche mais aussi la vieille droite. Bref, le ciel se dégage ! L'heure est donc venue de penser différemment pour agir autrement.

Dans cette perspective, j'ai la conviction que France.9 doit apporter sa marque dans l'élaboration du projet qui est engagé à l'UMP. Elle doit le faire avec sa sensibilité nationale et sa singularité républicaine.

Vous le savez, la presse nous qualifie souvent de "gaullistes sociaux". J'estime le terme réducteur, mais j'en accepte la philosophie : nous voulons que la France soit au service d'un monde mieux équilibré, nous voulons que les vertus citoyennes s'imposent sur l'individualisme et les communautarismes, nous voulons que l'efficacité économique ne soit pas dissociée de la justice sociale.

"Penser différemment pour agir autrement" : ce n'est pas qu'une obligation de fond, c'est aussi une nécessité électorale.

Actuellement – nul ne doit se leurrer ! - les Français oscillent entre l'abattement et la révolte. Le gouvernement s'emploie à améliorer la situation, mais la crise est profonde et ne date pas d'aujourd'hui. Nos concitoyens perçoivent amèrement les limites de l'action publique, ils constatent que depuis vingt ans, gauche et droite confondues, patinent autour des mêmes solutions et surtout des mêmes résultats. Nous ne les convaincrons pas en 2007 en affichant béatement une continuité intellectuelle et politique. Dire cela, ce n'est pas jouer contre mon camp, c'est l'éclairer sur les défis qui sont devant lui ; c'est l'alerter sur la nécessité de se réinventer sous peine d'échec.

La seconde raison qui m'a porté à organiser notre rencontre, c'est le congrès socialiste. Son calendrier était connu, ses résultats étaient attendus. Je voulais que nous soyons au rendez-vous de l'évènement.
 
Au regard de ce qui s'est passé la semaine dernière au Mans, à la lecture de la synthèse qui inspirera le projet de nos adversaires, je vous dis, mes chers amis, que battre la gauche n'est pas seulement un objectif électoral, c'est une véritable obligation nationale !
 
Les empêcher de revenir sur la réforme des retraites comme ils l'ont annoncé, est une obligation nationale !

Les empêcher de relancer à tout va les "emplois jeunes" dont chacun sait qu'ils sont une impasse et un artefact pour masquer l'atonie de notre marché de l'emploi, est une obligation nationale !

Les empêcher de relever aveuglément les impôts, est une obligation nationale !
 
Les empêcher d'imposer systématiquement la réduction du temps de travail à toutes les petites entreprises, est une obligation nationale !

Les empêcher de poursuivre dans ce mensonge qui consiste à promettre la renationalisation d'EDF, est une obligation nationale !

Je n'ai pas de conseils à donner à mes adversaires… Mais ce qui se passe au PS nous regarde parce qu'il y a une question qui influe sur le fonctionnement de notre pays : pourquoi la France a t'elle le parti socialiste le plus conservateur d'Europe, le seul à préconiser des mesures qui sont récusées partout ailleurs ?

Comment se fait-il que notre pays soit le seul d'Europe à compter un parti socialiste qui n'a pour dessein que de démanteler ce que la majorité a fait. Entre la France ( où le PS préfère abroger avant de proposer ! ), et l'Allemagne ( ou la gauche accepte de travailler avec la droite pour réformer ), le contraste est saisissant.

C'est ainsi, nous avons le parti socialiste le plus rétrograde d'Europe et ce n'est pas une chance pour la France.

Ce n'est pas une chance parce que le débat démocratique en est appauvri. Nous n'arrivons jamais, en effet, à dégager des consensus sur des sujets fondamentaux et des mesures dont l'évidence transcende pourtant les étiquettes partisanes.

Ce n'est pas non plus une chance, parce qu'une partie de notre peuple continue d'être bercée d'illusions. Le monde entier évolue et s'adapte à pleine vitesse, mais le PS continue de dire aux Français : "le monde entier à tort".

Le parti socialiste allemand – le SPD – a radicalement modernisé ses idées en 1959. En Grande Bretagne, cela fut fait il y a 15 ans… Chez nous, on attend toujours !

Les rares réformateurs n'ont jamais cessé d'être vilipendés, injuriés, ridiculisés. Ils étaient et sont sociaux-démocrates ce qui à gauche, est, semble-t-il, une "traîtrise".

Mes chers amis, je vais vous demander un exercice très singulier, un exercice qui nous distinguera du jugement obtus de nos adversaires… Je vais vous demander de saluer par vos applaudissements ceux qui, seuls contre tous, n'ont jamais cessé de prêcher pour un autre socialisme : Michel Rocard ( l'homme qui dit la vérité ), Jacques Delors ( l'homme qui fit avec les réalités ), Jean-Marie Bockel ( l'homme qui croit en l'économie de marché ).

Parmi ces sociaux-démocrates, il en est qui ont tourné casaque et que je vous invite à ne pas gratifier : Laurent Fabius, dit "Laurent le rouge aux souliers vernis", et Dominique Strauss-Kahn, dit "le caméléon".

Le fait est là : entre la sociale-démocratie et le socialisme intégriste, le PS n'a jamais osé clairement trancher. La raison en est simple : à l'époque, il courait après le parti communiste, aujourd'hui il fait les yeux doux à l'extrême gauche !

Nous avons suffisamment combattu en notre temps le Front National, pour exiger aujourd'hui du parti socialiste une clarification politique et morale vis à vis de gens qui estiment encore que le communisme et le trotskisme sont une source de progrès.

Le congrès du Mans n'a pas réinventé le socialisme mais l'a au contraire verrouiller. C'est pourquoi nous avons le devoir de ne pas laisser les rênes de la France à un parti qui a trente ans de retard.

Battre la gauche, la battre non par défaut mais par une autre façon de faire de la politique, la battre non par aubaine mais par la force d'un projet audacieux : voilà ce que doit être notre objectif.


Mes chers amis et compagnons,

Le modèle français est épuisé et ce n’est pas par quelques ajustements qu’il sera sauvé : il faut faire preuve de lucidité et d’ambition pour le renouveler.

La lucidité, d’abord, dans le constat de la crise à laquelle il est confronté – ou plutôt des crises, car j’en vois en réalité trois  : la crise du travail, la crise de l’emploi, la crise du dialogue social.

Face à ces trois crises, je mets sur la table trois propositions pour changer la donne.

La crise du travail en premier lieu.

Deux évolutions ont été marquantes dans ce domaine : celle des 35 heures, dont nous ne finissons pas de payer les conséquences, celle ensuite, de la réduction progressive de l’écart entre les revenus du travail et ceux de l’assistance. Nous sommes parvenus  à un point insupportable - disons même immoral ! - où celui qui accepte un travail difficile, rémunéré au SMIC, éventuellement à mi-temps, s’aperçoit qu’il gagne moins que celui qui est en quête d'un emploi ou qui l'attend devant son poste de télévision. Si je résume : d'un côté on a recommandé aux français de travailler moins, de l'autre on a laissé s'étendre un mécanisme suivant lequel l'effort est moins récompensé que l'assistance… Vous pouvez en être sûr, aucune société au monde ne peut prospérer très longtemps sur de telles bases !

Aujourd’hui, je propose de revaloriser le travail par une réforme profonde de notre système de prestations.

Vous le savez, le gouvernement vient de créer un « bouclier fiscal » : l’Etat ne peut prélever plus de 60 % des revenus d’un individu.

C’est une évolution positive : on pourrait même penser qu’à terme, il serait souhaitable d’arriver, en fonction de notre croissance,  à un taux maximum de 50 %.

Mais il faut savoir qu’en bas de l’échelle de revenus, nous n’en sommes pas là. Pour une personne au RMI, qui accepte un travail, chaque euro supplémentaire de revenu salarié, conduit à un abattement d’un euro de son RMI : autrement dit, le gain est nul !

Certes il existe des dispositifs complexes, d’ailleurs récemment réformés, pour garantir un léger gain, mais ceux-ci sont temporaires : au bout d’un moment ils disparaissent et alors la personne se retrouve avec ses revenus antérieurs. Croyez-moi, il faut être vraiment stimulé pour reprendre un emploi en ayant devant soi la perspective de revenus qui diminuent progressivement !

Nous devons donc repenser totalement notre système de minimas sociaux, accumulation illogique et contradictoire de différentes prestations.

Je propose un principe simple : chaque fois que l’employeur verse deux euros de revenus supplémentaires, un euro au moins doit tomber directement dans la poche de son salarié.

Pour reprendre l’exemple du RMI, la réforme consisterait donc à ne réduire le RMI d’une personne qu’à hauteur de la moitié (et non de la totalité ) de ses revenus extérieurs. Bien entendu, des évolutions similaires seraient à engager pour l’ensemble de nos prestations sociales.

C’est de la sorte que nous revaloriserons le travail; c'est ainsi que nous donnerons plus de sens à la justice sociale.

La seconde crise que j’ai évoquée, c’est la crise de l’emploi.

Notre société est littéralement minée par la persistance du chômage. Le gouvernement commence à obtenir quelques résultats encourageants en la matière. Mais nous ne pouvons avoir qu’un objectif : le plein emploi ; et pour y parvenir, nous devons encore aller beaucoup, beaucoup plus loin.

Nous le savons, la caractéristique du chômage en France, au-delà de son niveau qui est supérieur à celui des autres Etats européens, c’est sa durée qui  se situe, selon les périodes, entre un an et un an et demi. L'an dernier en France, près de 50% des demandeurs d'emploi n'on pas pu trouver un travail en l'espace de 12 mois, tandis que le Royaume Uni affichait un taux de 21% !

Pendant ces périodes de chômage, les demandeurs d’emploi sont, certes, indemnisés pendant relativement longtemps ( 23 mois le plus souvent ). En revanche, ils sont peu ou mal accompagnés dans leur recherche d’emploi, ils sont assez peu formés, insuffisamment aidés et incités.

Tout cela débouche sur une étrange particularité française : nous consacrons plus de moyens que nos voisins au traitement du chômage mais ce traitement à des résultats moins probants que les leurs ; nous assurons une indemnisation plus longue que celle de nos voisins mais la peur du chômage et plus forte chez nous que chez eux.

Il est donc temps d'inverser les logiques sur lesquelles nous travaillons depuis des décennies. Il faut remplacer l’assurance chômage par une véritable assurance emploi.

Dans cet esprit, je propose que les demandeurs d’emploi soient, sur la base du volontariat, mieux indemnisés – à hauteur de 80 % de leur ancien salaire au lieu de 57 % – mais pendant un an au lieu de 23 mois. Durant cette année, ils bénéficieraient d’un suivi considérablement renforcé : des entretiens hebdomadaires (et non pas mensuels comme c’est aujourd’hui envisagé) ; un accompagnement par un référent unique ; des formations relativement longues, à condition que celles-ci interviennent dans des secteurs où il existe des besoins en main d’œuvre.

Je propose au surplus de donner aux demandeurs d’emploi une véritable autonomie et un véritable choix. Pour cela, ils recevraient un « chèque accompagnement » qu’ils pourraient porter à l’opérateur de leur choix (ANPE mais aussi opérateur privé ou société d’intérim, par exemple), qui leur garantirait un suivi personnalisé et une formation en tant que de besoin.

J'en conviens, ce système présente un risque : celui de perdre son indemnisation au bout d'un an, faute d’avoir trouvé un emploi.

C’est pourquoi sa réussite dépend d’une condition : avoir un taux de retour à l’emploi de pratiquement 100 % à l’issue de la période. C’est le défi que nous devons relever. Les expériences étrangères montrent que c’est possible. Et bien essayons-les en France !

Il n’y a pas d’autre solution pour sortir du piège du chômage de masse ! Il n'y a pas d'autre solution pour garantir à chacun une véritable sécurisation des parcours professionnels.

Bien entendu, ces réformes supposent une concertation avec les partenaires sociaux, qui sont notamment gestionnaires de l’assurance chômage.

Cela m’amène à la troisième crise dont j'ai parlé, celle des relations sociales.

Notre pays est l'un de ceux en Europe où les partenaires sociaux sont à la fois les plus faibles, les plus divisés et les moins disposés au compromis. C'est le résultat d'un système inadapté qui pousse à la fuite des responsabilités, à la surenchère et à la contestation mécanique. Les conflits à la SNCM, à la Régie des transports de Marseille et à la SNCF, auront été emblématiques de l'état archaïque de ce système.

Je "proteste donc je suis", " je dis non donc j'existe", "je bloque les usagers donc je pèse", voilà, grossièrement, le dialogue social dans notre pays.

Dans la France du XXIème siècle, un tel fonctionnement n'est plus possible. L'impulsion politique doit être enrichie par des consensus qui doivent se discuter et se nouer sur le terrain. Face à la société bloquée, uniforme et infantilisée, j'oppose la société participative, souple et responsabilisée.

Pour cela, il faut provoquer une nouvelle donne sociale !

La première question qu'il faut trancher, c'est celle de la place respective de la loi et de la convention collective.

Il faut trouver de nouveaux équilibres pour renforcer le rôle des acteurs sociaux et la prise de responsabilité au plus près du terrain, et éviter ainsi ces lois ( comme celle des 35 heures ) où le législateur définissait, à son grès et selon ses improvisation du moment, les conditions d’habillage et de déshabillage des salariés et des entreprises !

La seconde question est celle de la représentativité syndicale. Les règles de représentativité datent de 1945 et ont été gravées dans le marbre par un arrêté de 1966 reconnaissant un statut particulier à 5 confédérations. Cette disposition est de plus en plus contestée par des syndicats aspirant à faire partie de ce club fermé des 5. J'estime qu'il faut ouvrir le "jeu syndical" dès lors que l'on parie sur le fait que l'extension des règles de l'accord majoritaire conduira à l'émergence d'un pôle de syndicats réformistes.

Conséquence logique, une troisième question devra être abordée : celle de la généralisation du principe majoritaire, à la fois dans les branches et dans les entreprises, par majorité d’adhésion et non plus d’opposition comme c'est le cas aujourd'hui. Je propose de mettre fin au système de la double négation afin de conduire les partenaires sociaux à dire "oui" directement aux accords qui leurs sont proposés. Il y va de la légitimité pleine et entière de la négociation collective.

La quatrième question est celle du dialogue social dans les PME de plus de 50 salariés. Il faut parvenir à favoriser la mise en place d’institutions de représentation des salariés. Il pourrait s’agir d’un Conseil d’entreprise, exerçant à la fois les fonctions des délégués du personnel, du Comité classique d’entreprise et des délégués syndicaux. Il faut expérimenter une fusion des instances de consultation et des instances de négociation, qui sont une spécificité française qu’il faut, selon moi, revisiter.

Voilà les pistes pour une nouvelle donne sociale.

A ceux qui, à gauche, craignent cette évolution, je veux rappeler que le statu quo actuel, avec son dialogue social en miettes, son chômage de masse et ses comptes sociaux en déficits chroniques, est plus inquiétant encore !

A ceux qui, à droite, seraient tentés de penser que la France peut être transformée en ignorant les corps intermédiaires, je dis, attention, car les changements de fond ne se décrètent pas exclusivement du sommet. Il faut un élan partagé, il faut des relais, il faut imprimer un rythme dans le pays dont l'intensité doit s'exercer sur la durée.

Avec cette nouvelle donne, je nous invite en définitive à réconcilier les Français avec leur économie et ses mutations nécessaires.

D'un côté, je dis oui à la souplesse de l'emploi, à la flexibilité et à la valorisation du travail. De l'autre, je dis oui aux régulations et au dialogue permanent pour dégager des équilibres sociaux.

Vous le savez, la chute heureuse du communisme à une conséquence : désormais le système capitaliste se trouve face à lui-même, sans vis à vis, devant ses propres interrogations et ses propres limites. Au niveau national comme au niveau européen, nous devons définir des cadres au capitalisme. Ce n'est pas parce que la gauche dit n'importe quoi sur ce sujet, que nous devons rester muet et inactif face à certaines dérives. A cet égard, dois-je vous dire que la responsabilité n'est pas que politique…

La transparence et l'éthique doivent animer le monde économique. C'est le prix pour que le libéralisme ne soit plus la cible des critiques permanentes et souvent infondées d'une large partie de l'opinion. Je ne parle ici de tous ces chefs d'entreprises, notamment des PME, qui se battent jour et nuit pour leurs boîtes et leurs salariés. Non, je parle de certains de ces grands groupes dont les intérêts échappent parfois à toutes considérations industrielles ou sociales, ces grands groupes dont certains de ses leaders sont jugés suffisamment incompétents pour être écartés par leur conseil d'administration mais suffisamment influents pour être largement récompensés de leur départ.

Je me mets dans la peau du travailleur qui ne lésine pas sur ses efforts…

Peut-il trouver juste qu'un patron qui a échoué empoche sa "golden parachute" ( ses indemnités de départ ), ses stocks options et sa "retraite chapeau" c'est à dire une allocation de retraite versée en complément des prestations du régime général ? Peut-il trouver juste de constater que le pouvoir d'achat de certains dirigeants du CAC 40 ait bondi de 15% en moyenne ces deux dernières années, alors que son pouvoir d'achat, comme celui de tous les français, n'a cru que de 2,6% ?

Non, il ne peut trouver cela juste. L'économie de marché ne peut être solide et populaire que si la transparence et la sagesse inspirent celles et ceux qui en sont les principaux acteurs et symboles.

Mesdames et messieurs,
Mes chers amis et compagnons,

Voilà ce que je voulais vous dire aujourd'hui.

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15 novembre 2005 2 15 /11 /novembre /2005 00:00
Discours de François Fillon
Sénateur de la Sarthe – Conseiller politique de l'UMP

Mes chers amis et compagnons, vous savez pourquoi nous sommes là !

C'est d'abord pour souhaiter courtoisement la bienvenue à François Hollande et à tous ses "fidèles" et "loyaux" amis… C'est aussi parce que l'UMP saisit l'occasion du congrès socialiste pour ouvrir les portes de toutes ses permanences afin d'afficher ses propres convictions.

Notre rencontre est symbolique parce que c'est chez nous, au Mans, que les choses se passent.

Durant deux jours, mille roses truffées d'épines vont fleurir près du parc des expositions !

Durant deux jours, 102 propositions au moins vont se disputer entre elles afin d'entraîner la France vingt ans en arrière !

Durant deux jours, une "tonne" de critiques caricaturales va être déversée sur la majorité pour mieux dissimuler les "petits meurtres entre amis socialistes".

Je n'ai pas de conseils à donner à mes adversaires… Mais ce qui se passe au PS nous regarde parce qu'il y a une question qui influe sur le fonctionnement de notre pays : pourquoi la France a t'elle le parti socialiste le plus conservateur d'Europe, le seul à préconiser des mesures qui sont récusées partout ailleurs ?

Comment se fait-il que nous ayons le seul parti socialiste à avoir imposé les 35 heures, ce qui a entraîné un affaiblissement de notre productivité et un gel des salaires ?

Au même moment, les partis socialistes, britannique et allemand, invitaient les entreprises et les salariés à augmenter la compétitivité afin de financer leur pacte social et riposter aux défis de la mondialisation. Parmi les cinq motions du congrès socialiste, l'une propose le passage aux 32H… Celles de François Hollande et celle de Laurent Fabius, proposent, pour leur part, d'imposer définitivement les 35H à toutes les petites entreprises qui aujourd'hui ont la possibilité d'y déroger.

Comment se fait-il que notre pays soit le seul d'Europe à compter un parti socialiste qui estime encore, au XXIème siècle, que l'économie de marché est un "problème" alors que c'est ce système qui a le mieux démontré dans l'Histoire sa capacité à créer des richesses et des emplois ?

Dans sa motion, Laurent Fabius ( l'"ex-libéral" de la gauche ), écrit qu'il voudrait que le PS, je cite, "soit résolument contre le libéralisme" !

J'invite Laurent Fabius à aller voir les leaders socialistes - Blair, Zappatero, Schroeder, Romano Prodi - qui estiment tous que le "socialisme et le libéralisme doivent marcher ensemble".

Comment se fait-il que notre pays soit le seul d'Europe à compter un parti socialiste qui n'a que pour projet de démanteler tout ce que la majorité a fait. Il "faut abroger – disent les motions Montebourg et Fabius – les lois Fillon sur l'Ecole, mais surtout celle sur les retraites". Chacun sait que ces lois sont nécessaires et raisonnables, mais qu'importe : au PS on préfère abroger avant de proposer ! Au même moment, la droite et la gauche allemande travaillent ensemble pour réformer les retraites et élever le taux d'activité à 67 ans afin de sauver leur système de la faillite.

Mesdames et messieurs, nous avons le parti socialiste le plus rétrograde d'Europe et ce n'est pas une chance pour la France.

Ce n'est pas une chance parce que le débat démocratique en est appauvri. Nous n'arrivons jamais, en effet, à trouver des consensus politiques sur des sujets fondamentaux et des mesures évidentes qui dépassent les clivages partisans.

Ce n'est pas une chance, parce qu'une partie de notre peuple continue d'être bercée d'illusions. Le monde entier évolue et s'adapte, mais le PS continue de dire : "le monde entier à tort, ne changeons rien en France".

Le parti socialiste allemand – le SPD – a radicalement modernisé ses idées en 1959, lors du congrès de Bad Godesberg. En Grande Bretagne, cela fut fait il y a 15 ans… En France, on attend toujours ! Les rares réformateurs du parti socialiste, comme Michel Rocard, furent vilipendés par leur propre camp. Regardez le score obtenu par la motion de Jean-Marie Bockel, la seule qui soit adaptée à notre époque… Et bien elle a fait 0,6% ! Ce score ridicule symbolise le retard de la gauche française.

Entre le socialisme intégriste et la sociale-démocratie : le PS n'a jamais osé clairement trancher. La raison en est simple : à l'époque, le PS courait après le parti communiste, aujourd'hui il fait les yeux doux à l'extrême gauche ! 

Voilà la situation, et le congrès du Mans n'y changera rien parce que son objectif n'est pas de réinventer le socialisme mais de le verrouiller !

A l'évidence, l'avenir se construit ailleurs qu'au parti socialiste ! Et c'est pourquoi l'UMP ouvre ses portes à tous ceux qui croient en l'action politique et qui veulent moderniser la France.

Au sein de notre fédération nous avons 1545 adhérents à jour, dont 233 nous ont rejoint ces derniers mois. Je leur adresse chaleureusement la bienvenue. Au niveau national, ce sont 60 000 nouveaux adhérents qui nous ont rejoint depuis 10 mois. Vis à vis d'eux, nous avons un devoir de réussite.

Notre objectif central avec Nicolas Sarkozy, est de faire de l'UMP la première force politique de France. Avec bientôt 200.000 adhérents, cet objectif est dès à présent atteint.

Mais cela n'est qu'une étape. Face à l'abstention, face au vote protestataire et à la désillusion civique, nous devons aller à la conquête de tous ces français qui n'y croient plus, faute de voir dans le système politique l'élan sincère et décapant qu'ils recherchent.

Pour atteindre cet objectif, trois mots me viennent à l'esprit. Le mot clarté, le mot créativité et le mot audace.

Par le mot clarté, je veux dire que nous devons assumer nos convictions afin que chacun soit fier d'appartenir à un mouvement qui dit ce qu'il est et ce qu'il veut.

Nous sommes des patriotes éclairés, c'est à dire que nous croyons à une France conquérante qui ne se réfugie pas derrière une inutile et absurde ligne Maginot.

Nous sommes pour la responsabilité individuelle, parce qu'un pays où chacun se défausse sur l'autre et jalouse l'autre, est un pays corporatiste et égoïste.

Nous sommes pour l'autorité parce qu'une société qui vit sans repères n'est pas une société libre mais une société dominée par la loi du plus fort et du plus filou. Ce qui se passe dans les banlieues est le reflet de vingt années de démission de l'Etat, vingt années de complaisance et d'impunité face à la culture de la violence, vingt années d'abaissement des valeurs républicaines et nationales. Dans les cités difficiles comme dans l'ensemble du pays, notre majorité a décidé de restaurer l'Etat de droit. La paix publique est le préalable de toute action déterminée en faveur de l'emploi, de la justice et de l'intégration.

Il est temps de parler clair : pour nous, un jeune qui brûle des voitures et caillasse des policiers ou des pompiers n'est pas "un adolescent qui s'interroge sur son avenir" ; le voleur à la tire qui bouscule et détrousse une personne âgée n'est pas un "cas social" !

Face à la violence, nous avons affirmé qu'il n'y avait ni tolérance, ni excuse, ni concession. Nous ne le cachons pas : nous incarnons une certaine idée de l'autorité républicaine et de la responsablité citoyenne.

Nous sommes aussi pour la valeur du travail et l'efficacité économique parce que tout démontre que la dignité humaine comme la solidarité collective ne reposent pas sur l'Etat providence et la pratique de la chaise longue, aussi plaisante soit-elle.

Dans le monde compétitif qui nous environne, il n'y aura pas de solidarité nationale sans efforts et sans production de richesses supérieure à celle que nous connaissons aujourd'hui. Peut-être que je ne flatte pas l'opinion en disant cela, mais du moins ai-je la conviction d'être plus social que les socialistes, eux qui laissent entendre que la solidarité peut être assurée sans efforts et sans devoirs par le seul fait de l'impôt.

Dire ce que nous sommes sans faux-semblants, ça n'est pas, mes chers amis, renoncer à parler à tous les Français, ni renoncer à les convaincre au-delà de leurs sensibilités…

Bien au contraire. Moi, j'estime que l'électeur du front national que nous avons perdu en chemin, comme d'ailleurs celui du parti communiste que n'avons pas réussi à convaincre, peuvent trouver avec nous un avenir. Contrairement à la gauche, nous ne segmentons ni notre pensée, ni nos propositions, ni les Français. Simplement, nous jouons cartes sur tables parce que l'on ne rassemble jamais sur une ambiguïté !

J'ai dit aussi que le mot créativité devait être la signature de l'UMP.

Pour être un grand parti moderne, l'UMP doit sentir le pays, tester de nouvelles idées, placer le débat au cœur de son fonctionnement.

J'ai la conviction qu'il n'y aura pas de victoire politique sans originalité intellectuelle, pas plus qu'il ne peut y avoir de victoire qui ne soit pas qu'un feu de paille, sans un projet longuement réfléchi, mûri et affûté.

Emploi, immigration, fiscalité, Europe, solidarité, logement, environnement : tous ces sujets sont sur la table et aucune proposition n'est taboue.

Faire de l’avenir une promesse, rendre l’espoir aux Français en leur donnant le sentiment que la vie – leur vie ! – peut être un combat qui mérite le coup d'être mené avec passion, courage et optimisme, voilà quel devra être le sens de notre projet politique !

Dans tout ce que nous faisons ensemble, je vous invite à l'audace car on ne relancera pas la France en utilisant des idées anciennes et des méthodes classiques.

Après le 21 avril 2002 et le 29 mai 2005, la France oscille entre la protestation et l'espoir. C'est pourquoi nous devrons, en 2007, incarner le changement et non une continuité tranquille et satisfaite.

Vous le savez, notre histoire nationale est faite de rebonds et d'accélérations. Nous sommes dans une de ces périodes charnières. Il faut nous réinventer parce que notre époque appelle un souffle nouveau.

Voilà mes chers amis, ce qu'est l'UMP ! Voilà sa feuille route. Le parti socialiste est en congrès et recense ses vieilles idées… Il nous appartient, à nous, d'être, plus que jamais, clair, créatif et audacieux.

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15 août 2005 1 15 /08 /août /2005 17:26
Monsieur le Premier Ministre,

Cher Nicolas,
Après trois années au gouvernement, me voici devant vous, jeunes de l'UMP, en simple militant, en homme libre.

Libre et fier d'avoir accompli mon devoir contre vents et marées.

Libre de donner ma part de vérité.

Cette vérité saute aux yeux : face aux transformations du monde notre peuple hésite et gronde, tandis que les politiques naviguent à vue. Le pays veut la grandeur mais craint les sacrifices qu'elle exige, désire la prospérité mais redoute les changements qu'elle suppose.

La France choisira-t-elle de construire son avenir sur la réforme et l'action ou cédera-t-elle au vertige du déclin ?

Dans un an, à la même date, cette question sera brûlante car nous entrerons dans la dernière ligne droite avant les élections présidentielles et législatives.

Elles seront décisives pour le pays. Non seulement parce que l'histoire du monde s'accélère autour de nous, mais aussi parce que le risque d'un pathétique retour en arrière existe en France.

Chers amis,

En cette fin d'été, le PS a sorti ses tréteaux et nous livre son spectacle. Le scénario est connu : il s'agit de se partager le royaume de Solferino. Quant aux personnages de ce grand guignol, ils nous sont familiers :

" Voici Laurent Fabius – dit "le rouge au soulier vernis" - bastonnant François Hollande, qualifié par ses propres amis, de "François le mou". Attiré par le chahut, voici Henri Emmanuelli et Arnaud Montebourg - l'homme des grandes leçons de morale ! - qui suggèrent un petit meurtres entre amis.

Jack – dit "langue de Blois" - n'est pas en reste : lui aussi à une stratégie pour faire passer le royaume de Solferino de l'ombre à la lumière. Mais attention, Dominique Strauss Kahn – dit "le rusé" – attend son heure, tandis que Martine – la dame aux 35 erreurs – affûte ses prochaines catastrophes.

Survolant la mêlée, seul Michel Rocard - dit "hamster érudit" – énonce la vérité et c'est pourquoi il doit être exécuté.

Fin du spectacle ! Suite au prochain épisode… c'est à dire au congrès du Mans.

Oui, tout cela est gnignolesque. Pour autant, tout ceci n'est pas aussi inoffensif qu'on le pense.

La déroute de la pensée qui prévaut chez nos adversaires est inquiétante. Il est consternant pour le débat démocratique d'avoir à affronter un parti en voie de gauchissement, un parti ne daignant pas fricoter avec l'extrême gauche dont l'influence ne cesse d'archaïser le débat public.

A l'époque du Rassemblement Pour la République, nous avons, avec Nicolas, suffisamment combattu le Front National pour exiger aujourd'hui de la gauche qu'elle en fasse de même avec ses extrêmes !

Nous sommes en droit de réclamer du parti socialiste une clarification politique et morale face à des individus qui puisent toujours leur inspiration dans une idéologie, qui, pendant 70 ans, a fait régner la terreur et la misère sur une partie du monde.

Le PS entouré de Besancenot, Bové, Buffet et tous les autres : est-ce cela l'alternance qu'on nous propose ?

Cet attelage n'a pas la tête d'un porte-bonheur.

Nous ne pouvons laisser les clés de la France à des individus qui ne savent toujours pas s'il convient ou non d'accepter la mondialisation ou l'économie de marché… Ces gens là ont cinquante ans de retard ! Notre devoir est de les battre.

En 2007, je veux une victoire par adhésion nous autorisant à gouverner et changer la France, non d'une victoire par défaut nous invitant à la gérer prudemment !

Pour cela, il faut un projet clair et net nous donnant une légitimité incontestable pour agir droit.

Ce projet, l'UMP est en train de l'élaborer sous l'impulsion créative de Nicolas Sarkozy.

Il part d'un diagnostic que chaque citoyen ressent : la France est devenue un pays dont les espoirs individuels ou collectifs ne sont plus atteignables.

Je parcours actuellement, de long en large, mon département de la Sarthe. J'entends les mots de la fatigue et de la désillusion de tous ceux qui ont le sentiment d'agir dans le vide.

Promotion professionnelle, achat d'un logement, création et gestion d'une entreprise, développement d'un projet associatif ou culturel : tout se heurte au statu quo, à l'impossible, à l'inutile. C'est le propre des sociétés bloquées par ses tracasseries et ses usages, ses structures et ses castes.

Face à cela, notre mouvement doit incarner la France des rêves accessibles. Pour ce faire, le modèle français doit être refondu autour de trois orientations : celle d'une société plus ouverte, plus active, plus juste. De nouvelles valeurs doivent s'imposer : celle du respect, de l'audace et de la responsabilité.

Pour porter notre projet, il faut une stratégie politique.

Elle doit être fondée sur la complémentarité entre le gouvernement et l'UMP.

Cette complémentarité rime avec unité, car la réussite des uns ne peut reposer sur la déroute des autres. Nous avons le devoir de terminer ensemble, de façon sérieuse et utile, le mandat du Président de la République.

Dominique de Villepin entend donner du souffle à ces deux dernières années. Il en a la volonté. Il le fera avec notre appui !

Mais la complémentarité exige aussi la liberté de ton et d'action de notre mouvement, car il doit être le porte-parole de l'avenir et pas seulement celui du présent.

Cette stratégie doit aussi reposer sur la lucidité et la franchise.

Il est, selon moi, un exercice auquel nous devrons procéder le moment venu, afin de créer un nouveau climat de confiance avec les Français : cet exercice, c'est l'examen de notre bilan.

Afin de ne pas laisser le soin à nos adversaires de dire n'importe quoi à son sujet, afin de démontrer que nous sommes pas tenus par la langue de bois, nous devrons dire à nos concitoyens pourquoi certaines choses ont bloqué, pourquoi certaines erreurs furent commises, pourquoi certains objectifs ne purent être atteints, pourquoi le courage a parfois manqué.

Cette sincérité doit nous permettre d'assumer le passé sans en être ses prisonniers ; elle doit nous permettre de porter le bilan sans renoncer aux ruptures nécessaires car nous devrons incarner le changement.

Cette lucidité sur nous-mêmes devra être le signe d'une clairvoyance plus large encore.

Au regard des vingt dernières années, chacun devra bien avoir à l'esprit que le zapping électoral est devenue la règle. Aucune majorité ne s'est succédée. Cela signifie que nous devrons aborder l'épreuve de 2007 en outsider décidé et non en challenger satisfait.

Unité, liberté, lucidité : voilà les termes de la stratégie.

Monsieur le Premier Ministre, cher Nicolas, nous avons, je le sais, une intuition commune : le fossé qui existe entre les citoyens et la politique n'est pas le fruit de trop d'idées mais de trop de préjugés ; il n'est pas le résultat de trop d'action mais de trop d'hésitation ; il n'est pas la somme de trop de fermeté mais de trop d'inconstance.

Tout cela a entraîné un effondrement de la légitimité du politique.

Il faut la redresser.

Légitimer la politique, c'est donner de l’autorité à l’action publique. Dans notre pays, il n’est plus possible que se soient les corporatismes et les minorités qui faussent toujours le sens de l’intérêt général. L’Etat n’est pas un prestataire de services. Il est là pour arbitrer et donner un cap à la société française !

Légitimer la politique, c'est gouverner sur la base d'un projet précis, appliqué jusqu'au bout et non révisé au premier "coup de grisou", sous l'œil furibard de nos électeurs.

Légitimer la politique, c'est avoir le courage de sortir de la tyrannie du court-terme, dictée par les modes, les sondages et la peur du premier manifestant venu.

Légitimer la politique, c'est enfin ressusciter l’esprit civique car tout ne peut venir du sommet.

Une révolution culturelle est nécessaire dans le pays !

Après les années 70 qui ont vu l’utopisme annoncer l'individualisme, après les années 80 qui ont vu l’égalitarisme masquer le cynisme, après les années 90 qui ont vu le socialisme épouser tous les corporatismes, je vois - jeunes de l'UMP - monter une nouvelle génération et d'autres valeurs dont vous devez être les porte-parole.

Une génération qui prend acte d’un monde ouvert au sein duquel la fierté nationale peut être une source d’énergie et d'enrichissement mutuel.

Une génération qui souscrit et se bat avec les règles du marché sans pour autant accepter de voir la vie devenir une marchandise.

Une génération qui oppose à l’arrogance, l’humilité et le travail.

Une génération qui, contre l’abstraction et les dogmes, juge sur les faits.

Les pyramides idéologiques et les certitudes partisanes s'effondrent, entraînant dans leur chute les vieilles idées, les vieux tabous, les vieux réflexes.

Le ciel se dégage.
Tout appelle à un souffle nouveau.
Pour vous, Jeunes Populaires, c'est maintenant qu'il convient de penser loin, large et différent.
Vous devez saisir votre époque !
Vous l'insufflerez de vos espoirs !
Vous aurez le courage d'oser !
Vous serez alors, la génération qui change la France.

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20 juin 2005 1 20 /06 /juin /2005 17:30
Après trois années au gouvernement, trois années de réformes incessantes dont celles des retraites et de l’Ecole, me voici, devant vous, en simple militant, mais surtout en homme libre.

Libre de servir mes idées !
Libre de donner ma part de vérité sur la situation de mon pays !
Libre d’épauler Nicolas dans sa tâche ; ce que je ferai sans réserve, désormais lié par mes seules convictions.
Libre et fier.

Fier d'avoir accompli mon devoir. Fier d'être demeuré fidèle à votre volonté de nous voir gouverner la France pour la changer. Fier d'avoir bousculé les conservatismes et d'y avoir, grâce à vous, résisté.

Sans votre appui, le parcours n'aurait pas été aussi droit. Aujourd'hui, je vous dis merci pour votre soutien et votre confiance.

Mes compagnons et amis,
En politique, les défaites sont souvent plus instructives que les victoires.

Le "non" des Français au traité constitutionnel constitue un choc politique. Il ne s’agit pas d’un incident de parcours. 21 avril 2002, 28 mars 2004, 29 mai 2005 : tous ces rendez-vous auront été l’occasion d’une révolte démocratique.

Chacune est différente, mais toutes procèdent d’un même cri, d'un même malaise national que nous n’avons pas réussi, en trois ans, à guérir.

La France est malade.
Malade de son chômage de masse.
Malade de son ascenseur social bloqué et de son pacte républicain morcelé.
Malade de ses talents bridés, de ses relations sociales étriquées et stéréotypées, de ses institutions bancales,
Malade de son incapacité chronique à se remettre en cause alors même que notre système fabrique plus d'inégalités et d'injustices qu'ailleurs.
Malade de voir ses idéaux enlisés.

La France paie des décennies d'hésitations, d'illusions, de mensonges, face aux accélérations de l'Histoire. La gauche a une très lourde responsabilité dans ce retard, même si nous ne sommes pas, nous-mêmes, exemptes de tous reproches.

En réalité, c'est tout le "modèle français" qu'il faut reconstruire, non par quelques ajustements, non en recherchant des équilibres subtiles qui ne convainquent personne et ne donnent que des résultats passables, mais en le refondant autour de nouvelles idées, de nouvelles valeurs, de nouvelles ambitions.

Mes amis,
Ce 29 mai restera comme une occasion manquée. Pour moi qui ai voté contre Maastricht parce que l’Europe politique était alors négligée, c’est une déception puisque nous voici replongés dans l’approximation institutionnelle.

Mais si nous tirons lucidement les leçons de ce 29 mai pour mieux préparer l'échéance de 2007, alors cette triste date aura été salutaire. Car le vote des Français constitue toujours un message profitable pour ceux qui savent le saisir.

L’heure n’est donc ni à l’amertume, ni au défaitisme, mais à la réflexion qui prépare l’action !

La victoire du « non » ne peut être réduite au rejet, stricto sensu, de cette constitution. Je l'explique par la conjonction de trois crises d’identité, trois crises face la modernité, trois crises qui se sont chevauchées et retrouvées dans le vote du « non ».

Tout d’abord, la crise de l’identité européenne.

Depuis son origine, l’Europe a été portée par une élite, notamment administrative. C'était sans doute nécessaire au départ, mais cette Europe technique n’a pas trouvé l’élan nécessaire pour incarner une ambition charnelle, une ambition distincte de celles des puissances du moment : les Etats Unis, la Chine, demain l’Inde. Cette constitution est arrivée trop tard pour convaincre nos concitoyens qu’un nouveau départ, désormais plus politique, était assigné à l’Union.

Le résultat est là : après le "non français", le "non néerlandais", la suspension britannique, l'Europe est dans l'impasse.

Plus que jamais, deux philosophies vont se disputer l'avenir : celle de l'Europe politique qui est désormais fragilisée ; celle de l'Europe zone marchande, qui, sous la prochaine présidence anglaise, va retrouver des couleurs.

Cahin-caha, nous allons vivre sous le régime du traité de Nice, dont chacun sait qu'il est notoirement insuffisant pour répondre au défi de l'élargissement. Puis un jour viendra où, las des blocages et des insuffisances institutionnelles, des hommes se lèveront et relanceront la construction européenne.

Vous le savez, un premier rendez-vous européen est prévu en 2006 pour faire le point sur la procédure de ratification chez les 25 Etats membres. Des ébauches de solutions seront alors discutées… Mais nous serons à quelques encablures de l'élection présidentielle et tout indique que le nœud de la "question européenne" ne sera tranché, en France, qu'à cette occasion.

C'est à travers cette élection, c'est par elle, que les Français se prononceront sur la stratégie qu'il convient d'adopter pour relancer l'Union.

A cette crise de l’identité européenne, s’est ajoutée la crise de notre propre identité française. C'est elle qui a tout fait basculer ; c'est dire que le redressement européen est indissociable du sursaut français.

La tentation du repli - sur « nos frontières » et nos « acquis sociaux » - révèle l’affaiblissement de notre foi en nous-mêmes.

Comment un grand pays comme le nôtre, qui n’a cessé de traverser l’Histoire la tête haute, en est-il arrivé à se sous-estimer à ce point ?

C'est une question d'état d'esprit.

Pendant des décennies, on a moqué, déprécié, les valeurs et les réussites de notre nation. La critique systématique, le cynisme permanent, la mise en dérision de toutes vertus collectives, sont devenus monnaie courante.

Le simple fait d’inviter tous les élèves à apprendre La Marseillaise fut récemment prétexte à polémiques. Cet exemple mineur en dit long sur nous-mêmes…

Un pays qui ne s’aime pas, ne peut se dépasser et se projeter fraternellement vers les autres. La tentation du repli est la revanche d’une fierté nationale maltraitée, injustement raillée. Il faut renouer avec un patriotisme généreux et audacieux, un patriotisme éclairé, c'est à dire hissé au niveau des desseins européens et des enjeux internationaux.

Mes amis, la France ne peut continuer à avoir peur du monde.

C’est vrai, ce monde est ouvert, compétitif, complexe. C'est vrai, pendant des siècles nous avons, avec quelques autres nations, dominé  la planète et ses richesses… Cela est fini ! Aujourd’hui, de nouvelles puissances émergent et réclament légitimement leur part de progrès. Nous tremblons à l’idée de réformer le modèle français au regard de cette nouvelle donne, alors que nous avons suffisamment d’atouts et de créativité pour le faire.

Réformer ce modèle, c’est à l'évidence instaurer une nouvelle articulation entre la productivité et la solidarité. Or, pendant des décennies, on a expliqué que la question sociale était intouchable.

Nous avons attendu 15 ans pour réformer les retraites ! 15 ans pour trouver le courage de faire ce qu'il fallait faire, et, malgré cela, des centaines de milliers de nos concitoyens sont descendus dans la rue dans l'espoir de tout stopper…

Nous marchons sur la tête.

Le « toujours plus », « pour tous », à « n’importe quel prix », et si possible « sans trop d’efforts », est devenu un credo sur lequel surfent tous les démagogues. Dès lors, nul ne peut s’étonner d’avoir vu resurgir dans ce référendum, la thématique - populaire mais suicidaire pour notre pacte social - du statu quo face à une Europe dénoncée comme le cheval de Troie du changement.

La voilà la troisième crise d’identité : c'est celle de la gauche française. Je n’ai aucune leçon à donner à mes opposants, mais je constate que notre démocratie est faussée par une grave et persistante ambiguïté idéologique, qui est unique en Europe.

Gauchisme radical ou sociale-démocratie : le choix n’a jamais été clairement débattu et assumé en France. Le SPD allemand a tranché en 1959, en se prononçant une fois pour toute faveur de l’économie de marché. Quant au Labour anglais, il s'est approprié les réformes de Margaret Thatcher.

Rien de tel chez nous.

Parce que les clarifications ont sans cesse été différées, parce que le parti socialiste continue de finasser avec les réalités économiques du monde, la France subit de plein fouet la surenchère de l’extrême gauche.

Si les électeurs de gauche oscillent entre la pensée de François Hollande et celle d’Olivier Besancenot, c’est qu’il y a un problème de fond ; un problème qui infecte et archaïse tout le débat public.

A l'époque du Rassemblement Pour la République, nous avons, avec Nicolas Sarkozy, suffisamment combattu l'extrême droite, pour exiger aujourd'hui de la gauche qu'elle en fasse de même avec ses extrêmes !

Nous sommes en droit de réclamer de messieurs Hollande, Fabius, Lang et tous les autres, plus d'intransigeance à l'égard de ceux qui font encore de la "lutte des classes" le moteur démagogique et venimeux de leurs succès électoraux.

Nous sommes en droit de réclamer une clarification politique et morale face à une extrême gauche qui entretient notre peuple dans l'illusion de je ne sais quelle "Ligne Maginot" face à la mondialisation ; une extrême gauche qui puise toujours ses idées et ses mythes dans une idéologie qui, pendant 70 ans, à fait régner la terreur et la misère sur une grande partie du monde.

Mes chers amis,

Ces trois crises d’identité ont convergé pour entraîner la défaite du « oui ». Il n'y aura pas de redressement sans réponse à ces trois crises.

Le défi est difficile à relever, car c'est la légitimité même du politique qui est contestée.

Restaurer cette légitimité, c'est d’abord gagner la bataille des idées. Il est stupéfiant que les tenants de l’économie de marché et de l’ouverture au monde soient sur la défensive face aux adeptes du dirigisme marxiste et du nationalisme étroit. Avant d’être politique, le combat que nous devons livrer et gagner est idéologique !

Il faut ensuite redonner de l’autorité et de la continuité à l’action publique. Dans notre pays, il n’est plus possible que ce soient les corporatismes et les minorités qui faussent toujours le sens de l’intérêt général. L’Etat n’est pas un prestataire de services. Il est là pour arbitrer et donner un cap à la société française.

Dans cet esprit, nous n'échapperons pas à un renouveau de nos institutions. Le quinquennat change le rythme de notre démocratie. Il exige de gouverner avec lisibilité et efficacité, en prenant les Français à témoin de façon permanente afin de les éclairer et les entraîner. Il impose de sortir de la tyrannie du court-terme, dictée par les sondages et la peur du premier manifestant venu. Il suppose enfin une équipe gouvernementale soudée ; une équipe dont on ne change pas les visages au premier "coup de grisou", afin de donner des gages à ceux qui par la rue tentent d'arracher ce qu'ils n'ont pas obtenu par les urnes.

Il faut aussi ressusciter l’esprit civique. Chacun d’entre-nous doit se demander ce qu’il peut faire pour son pays plutôt que le contraire. La France est une grande nation, mais cette grandeur n’existe pas sans efforts et sans vertus individuels. C’est cela l’esprit républicain !

Il faut enfin et surtout placer nos concitoyens en situation de choisir leur l'avenir, je parle d'un choix clair et net, pas d'un choix cotonneux. Tout le débat actuel sur notre "modèle social", sur les mérites des systèmes danois ou britannique, est fort intéressant, mais à contre-temps. Ce n'est pas maintenant, à la sauvette, que l'on tranchera les problèmes de fond qui décideront de l'organisation de la France.

Cela ne pourra se faire que devant et avec tous les Français.

Soyons-clairs : l'essentiel se décidera en 2007, dans le cadre d'une élection présidentielle dont il est capital qu'elle n'occulte pas, comme en avril 2002, les questions centrales que le peuple doit trancher.

Il faudra choisir entre une France ouverte sur les réalités du monde ou repliée sur ses songes, choisir entre la société du travail pour tous ou celle du statu quo social, en un mot, il faudra choisir entre le changement ou la continuité.

En attendant, deux années sont devant nous. Dominique de Villepin fera tout ce qu'il peut pour donner du souffle à cette fin de quinquennat. Il en a la volonté. Il le fera avec l'appui de Nicolas Sarkozy, qui a eu raison de ne pas esquiver ses responsabilités gouvernementales!

Avec vous, je soutiendrai le gouvernement. Je le soutiendrai parce que je connais l'état de mon pays et parce que je sais qu'on ne prépare pas l'avenir en déstabilisant son camp.

Mes chers amis et compagnons,

Nous n'avons pas à rougir des trois années écoulées. Des choses utiles et courageuses ont été réalisées… Mais des nuages s'amoncellent au-dessus de la France : notre démocratie patine dangereusement, notre pacte économique et social est essoufflé, une certaine idée de nous-mêmes vacille.

Est-ce la fin d'une époque ou le début d'une autre époque ?

La réponse est entre nos mains.

Si nous sommes là, ensemble, déterminés et impatients, c'est que nous savons que la France que nous aimons n'a pas fini d'écrire son histoire.

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6 mars 2005 7 06 /03 /mars /2005 18:35
En apparence, rien n’est plus simple que la question posée par le référendum européen : sur le plan international, il s’agit d’adopter le meilleur compromis possible qui préserve les possibilités d’unir peu à peu l’ensemble du Continent, sans pour autant rompre avec ceux qui, en Grande-Bretagne, en Scandinavie, mais aussi en Pologne demeurent attachés à une forte souveraineté nationale.

Le compromis était possible, il a été finalement optimisé par l’exceptionnel talent de négociateur du Président Giscard d’Estaing. Si l’Angleterre attachée au pouvoir des Etats a pu y trouver des satisfactions et des apaisements, si l’Allemagne qui demeure fédéraliste a pu préserver un rôle plus qu’honorable pour la Commission de Bruxelles et le Parlement, c’est tout de même la France qui aura été l’architecte principal de ce sauvetage diplomatique qui nous permet de nous débarrasser enfin du-pansement de fortune appliqué dans la fièvre du l’urgence à Nice en décembre 1999 et qu’on ne saurait proroger davantage. Voter non à un tel compromis, ce serait donc voter non à la diplomatie française et à l’un de ses plus importants succès récents. Sur le plan intérieur, rien n’est plus simple en apparence également. Les adversaires du oui, se regroupent à l’extrême droite et à l’extrême gauche du spectre politique dans une même exaltation de la démocratie et de la nationalité. Jamais ils ne discutent un tant soit peu les effets évidemment délétères pour la position de la France de leur vote négatif. Ceux qui tels Laurent Fabius au Parti Socialiste, leur prêtent, du bout des lèvres, main forte, en prétendant y apporter une contribution plus raisonnée ne font que trahir leur identité politique et le sens de leur action publique. C’est d’ailleurs la raison même de leur isolement dans la classe politique démocratique. Ceux qui prennent le risque de faire passer le non à ce référendum ne pourront jamais profiter de leur forfait : les effets de leur action les suivront à jamais, non plus seulement en France, mais à l’échelle de l’Europe toute entière. Tout serait donc très simple. Pourtant, à y regarder de plus près, les difficultés commencent, et celles-là sont bien réelles. Bien au delà du problème turc que l’on invoque en permanence pour brouiller les questions fondamentales, nous pouvons en discerner trois qui sont bien plus sérieuses, et auxquelles notre campagne se doit de commencer à répondre si l’on veut lever les inquiétudes parfaitement rationnelles de nos compatriotes, et qui bien exploitées, pourraient permettre à la coalition hétéroclite des imprécateurs, des saboteurs et des sang-creux de se retrouver un beau jour à la tête d’une majorité éphémère certes, mais destructive. Ces trois problèmes, ce sont dans l’ordre croissant de gravité celui de l’élargissement géographique mais aussi stratégique des projets européens, celui du marché mondial et de ses déséquilibres, celui du contrôle démocratique des processus de décision qui affectent notre vie quotidienne. L’élargissement du projet européen s’est largement imposé à nous, avec le grand vent de l’histoire. Sans doute l’empire soviétique en se dissolvant, nous a confrontés à des défis inédits qui ont compliqué l’édification d’une Europe indépendante. Mais comme l’écrit Victor Hugo, on ne condamne pas l’orage on ne met pas l’histoire en accusation. Pas davantage qu’il n’y avait place pour une Allemagne de l’Est, il n’y eut bientôt d’avenir pour une Europe centrale lointainement associée à l’Europe occidentale. Chacun ensuite a voulu que ne soit oublié tel ou tel pays qui lui était particulièrement proche : les Nordiques ont tiré en cordée les Baltes, l’Autriche et l’Italie ont voulu la Slovénie introduisant à terme le principe d’une absorption de toute l’ancienne Yougoslavie et la France elle-même s’est montrée sensible à la francophonie proclamée de la Roumanie et de la Bulgarie. Point n’est besoin d’aller chercher le cas turc pour s’apercevoir que l’Europe à 25 va conduire à une Europe à 32, en incorporant les Balkans, 35 si d’aventure Suisses, Norvégiens et Islandais (ces deux derniers sont déjà dans l’Europe de Schengen) surmontent leurs objections actuelles. Il n’y a pas de réponse simple à cette immense croissance : fermer les portes sera aussi complexe que de les ouvrir ou plutôt une réponse assez simple existe : elle consistera à séparer progressivement une fédération européenne plus resserrée, ayant l’ambition de se doter des moyens effectifs d’une politique de puissance digne de ce nom. Et cela tout en maintenant coûte que coûte une vaste union européenne aux dimensions du continent, qui, contrairement à une certaine vision anglo-saxonne, ne se réservera nullement à un simple espace marchand, mais constituera plutôt un ensemble unifié sur les plans juridique, culturel et industriel, doté de véritables politiques sectorielles, mais ici sans aliénation de la souveraineté de ceux qui souhaitent la conserver. Seulement cette manœuvre furieusement complexe ne se fait pas toute seule : elle repose tout d’abord sur une véritable relance du couple franco-allemand, encore insuffisamment performant au sein de la Nouvelle Europe, mais aussi sur la conclusion d’un véritable compromis historique avec la Grande-Bretagne, et non d’un nouvel ou stérile affrontement. Cette vaste politique est devant nous. La constitution européenne soumise au référendum est en tout cas la première brique de l’édifice. Un non français détournera longtemps une Allemagne en crise et qui se cherche encore, de toute relance commune, un non français confortera inévitablement l’euro-scepticisme potentiellement majoritaire des Britanniques, des Scandinaves et des Polonais, en leur évitant même d’assurer leurs responsabilités ultérieures. D’abord établissons le fondement, ensuite construisons patiemment les deux étages asymétriques franco-allemand et franco-anglais. Ainsi seulement il sera possible de progresser. Il va de soi que la question du statut de la Turquie, qui sera quoiqu’il advienne, soumise à un référendum, sans doute dans une dizaine d’années, n’est qu’un cas tout à fait particulier des problèmes d’élargissement. En réalité nous ne savons nullement, contrairement à ce que certains prétendent, ce que seront devenues aussi bien l’Europe que la Turquie au terme de ce processus. En revanche, nous savons bien qu’un refus brutal opposé à un grand pays musulman, mais aussi laïque, qui s’identifie de façon souvent émouvante à la cause européenne, n’aurait que des effets négatifs sur cette vaste zone qui s’étend du Maroc à l’Iran et qui sera, de toute façon notre partenaire privilégié de demain, tout comme l’Amérique latine l’est de l’Amérique du Nord. Mais il se lève encore des profondeurs de l’opinion publique, un doute plus sérieux encore. Et celui-ci porte sur le libre-échange, à la vérité sur les deux rives de l’Atlantique. On connaît le mot de Keynes, face à un contradicteur qui prônait le laisser-faire pendant la crise de 1929, sachant qu’à long terme l’équilibre économique et la croissance se rétabliraient : « à long terme nous sommes tous morts ». Il en va un peu de même du libre-échange : à moyen terme, et non à long terme, le niveau des prix asiatiques montera inexorablement, en raison des réévaluations inévitables des monnaies d’Extrême-Orient et de la hausse non moins inexorable des salaires et du coût de la vie en Chine (notamment en matière de santé, de retraites et d’indemnisation du chômage). Entre temps, l’enrichissement de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Amérique latine, un jour prochain de l’Afrique elle-même, aura entraîné un flux très important d’exportations européennes, des centrales nucléaires aux Airbus, en passant par les brevets, les machines-outils et les biens de consommation de qualité supérieure. Ainsi le libre-échange profite-t-il à tous et permet-il d’accélérer la croissance et la promotion des richesses. Sans doute un tel raisonnement est-il juste en général. Mais point n’est besoin de rejoindre le discours absurde et arbitraire des anti-mondialistes violents, pour constater qu’une extension trop forte du libre-échange produit, si elle survient trop vite, des déséquilibres très graves qui conduisent à une opposition de plus en plus forte de l’optimum économique et de l’optimum social : l’actuel déficit de la balance commercial américaine, essentiellement avec l’Asie, permet en échange de financer de manière indolore les déficits publics des Etats-Unis. Mais il atteint à présent de manière dangereuse les capacités productives des Etats-Unis, même dans le secteur des services, avec l’explosion des talents informatiques en Inde. Dans certains secteurs industriel et agricole, une protection est aujourd’hui nécessaire. Point n’est besoin pour cela, de reculer jusqu’aux barrières d’antan. Au passage, des pays de coûts moyens comme Maurice, la Malaisie ou l’Amérique Centrale sont largement ébranlés par l’irruption des textiles chinois, sans plus aucun contingentement.. Mais il faut conserver un niveau d’activité textile, sidérurgique et agricole compatible avec l’équilibre de nos territoires et de notre population active. Loin d’être freiné par l’Europe, ce correctif protecteur ne peut en réalité être pensé qu’à l’échelle de notre continent tout entier. Et même, un jour prochain, sous la forme d’un accord tacite avec nos partenaires d’Outre-Atlantique, Américains, Canadiens et Mexicains. Mais il faut sans relâche expliquer aux Français qu’une Europe défaite et déstructurée par un vote négatif, ne pourrait que très difficilement reprendre en mains une situation complexe où notre autorité n’est grande que dans une véritable cohérence continentale… Encore faut-il s’avoir clairement qu’un vote positif n’est pas un oui aux délocalisations sauvages, au libre-échange sans rivages, au renoncement à tout volontarisme industriel, agricole, de recherche, et donc social. C’est ici enfin que mon troisième point revêt toute son importance: de plus en plus de processus de décision ne sont pas compris par les Français, car il leur semble, parfois à juste titre, procéder d’un despotisme administratif communautaire, éclairé aux yeux de ses protagonistes, mais parfois aussi furieux. N’a-t-on pas eu besoin du Prince Charles d’Angleterre lui-même pour sauver notre camembert à la louche ? On connaît le combat de l’UMP pour alléger, assouplir le fardeau que les 35 heures font peser sur notre économie. Mais attention : nous devons atteindre cet objectif par la négociation et la discussion entre Français, pas par l’entrée en lice d’on ne sait trop quelle directive européenne, que nos compatriotes, même agacés par les frasques antérieures de nos socialistes, ne pourront vivre que comme un coup bas. Ici aussi, l’équilibre constitutionnel atteint, avec la place importante occupée par le Conseil des Ministres et le principe de subsidiarité est le bon choix. Le rejet de la Constitution ne porterait qu’à une fuite en avant de la commission de Bruxelles, sans correctif concerté aux débordements possibles d’institutions européennes encore immatures comme le nouveau Parlement européen. Mais pour que les Français comprennent que le remède du non serait pire que le mal actuel, encore faut-il leur dire que la dynamique européenne ne signifie pas raréfaction et asphyxie de tous les niveaux national ou régional, qui lui sont subordonnés. Bien au contraire, une Europe en construction suppose que les nations constitutives en unifiant leur règle du jeu conservent leur originalité et leur sens de l’initiative.

Mes amis, Nous vivons un moment capital de l’histoire de l’Europe et de l’histoire de France. Ce moment comporte comme à l’ordinaire dans de telles circonstances, exaltation et inquiétude. Si nous savons répondre sans arrogance ni légèreté aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens, alors nous les convaincrons que le oui à l’Europe, c’est à dire à notre avenir garantit la sécurité d’aujourd’hui et ouvre sur les ambitions de demain. C’est la voie que tu as choisie Nicolas. Je veux t’en féliciter. Tu as pris des engagements. Tu les tiens. C’est suffisamment rare pour être souligné. Notre mouvement retrouve chaque jour plus de couleurs. C’est essentiel, parce que sans lui, il ne peut pas y avoir de victoire au Référendum. C’est essentiel, parce que sans lui, il ne peut pas y avoir de victoire tout court.

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27 janvier 2005 4 27 /01 /janvier /2005 18:34
Mes chers amis et compagnons,
Dans quelques semaines, nous serons appelés à nous prononcer pour ou contre la constitution européenne. Le Président de la République a légitimement choisi la voie la plus démocratique qui soit : celle du référendum. Il faut s’en montrer digne car 24 pays européens nous regardent. Le 29 mai, nul ne devra sous-estimer la responsabilité qui est entre ses mains.

A l’heure actuelle, les sondages nous disent que le « non » à le vent en poupe, notamment à gauche. On me dit que même dans certains salons huppés ou branchés, on se plait à « jouer » à la roulette russe sur la question européenne… Bref, le « non » devient à la mode.

C’est dire que le camp du « oui » est dans une position d’outsider. Il n’a donc d’autre choix que de sortir des sentiers battus pour aller de l’avant.

Face à un « non » politiquement conformiste, un « non » sans perspective, il existe un chemin gagnant pour un « oui » politiquement audacieux !

Car je l’affirme : il est plus audacieux de vouloir construire, sur la base de ce traité constitutionnel, une autre Europe que de vouloir la paralyser !

Il est plus audacieux de croire que la France peut relever les défis de son siècle que de trembler à chaque accélération de l’Histoire !

Il est plus audacieux de penser à l’intérêt général que de vouloir régler ses comptes personnels, catégoriels ou partisans sur le dos de l’Europe.

Mes chers amis,
Derrière le rendez-vous électoral du 29 mai, il y a quelque chose de fort, de profond, qui ne peut être totalement déconnecté de cette constitution : c’est l’histoire et l’avenir de ce continent qui est le nôtre.

Pour moi, l’Europe n’est pas une aventure désincarnée.

Madrid, Prague, Londres, Rome, Varsovie, Berlin, Vienne : au seul énoncé de ces villes, je sens nos héritages et nos cultures entremêlés circuler dans mes veines de français. Je vous le dis comme je le ressens : j’aborde ce référendum en patriote, je veux dire par là en homme qui croit en la richesse des racines qui parcourent notre continent.

Avant d’être un marché, une monnaie, l’Europe est une rencontre charnelle entre des nations millénaires, brillantes et démocratiques. C’est cette rencontre qui justifie cette nouvelle constitution. C’est elle qui éclaire la belle devise de l’union européenne : « unis dans la diversité ». C’est cette rencontre que la France doit incarner avec panache et passion.

Qui ne sent que la collaboration fraternelle qui relie nos Etats depuis un demi siècle est bien plus qu’une chance, elle est un miracle politique ? La mémoire des peuples est malheureusement trop courte pour saisir à sa juste valeur le prix de la paix…

Imaginez que nous ressuscitions, l’espace de quelques instants, nos arrières grands-parents et que nous leur disions que l’Europe vit désormais unie et sans frontières… Ils ne pourraient nous croire, eux qui, sortis des tranchées, n’envisageaient le sort des nations que dans un bras de fer implacable.

Imaginez maintenant que nous ressuscitions nos grands parents, et que nous leur disions que le mur de Berlin est tombé et que dix des pays qui vivaient sous le joug de la tyrannie communiste nous ont rejoint… Ils en seraient abasourdis, eux qui redoutaient que la guerre froide ne finisse dans un clash nucléaire.

En vérité, l’union européenne aura été le projet le plus « révolutionnaire » qui soit. Il aura scellé la paix ; il aura conduit nos nations à organiser de leur plein grès un partage de leur souveraineté ; il aura élevé leur niveau de vie ; il aura fait tomber un rideau de fer… Et tout ceci, sans un coup de feu !

Il faut rappeler à tous ceux qui semblent oublier l’essentiel, que le mariage de l’Europe et de la paix n’est pas un épiphénomène, mais bien un phénomène exceptionnellement précieux. 50 ans, 100 ans de paix supplémentaires pour nos enfants, nos petits enfants, voilà l’échelle de notre espoir.

Cet espoir de paix et de prospérité partagés, il faut le mettre en parallèle avec les défis qui nous sont lancés par le XXIème siècle. Mondialisation, menaces terroristes, sous-développement, maintien de notre modèle économique et social, défense de l’exception culturelle, pollution planétaire : aucun de ces défis n’échappe à une réponse collective.

Dans un monde incertain de 6 milliards d’habitants, les 60 millions de français doivent pouvoir compter sur l’alliance des 390.000 millions européens. Il est clair que notre intérêt national exige d’être relayé par une Europe organisée, régulant les désordres du monde, équilibrant la puissance américaine, et demain chinoise puis indienne.

Entre la France et l’Europe, c’est bien le sort d’un pacte historique qui me parait être en jeu. Ce pacte est fondé autour de trois idées directrices : le respect de l’homme ; la promotion d’un style de vie propre à l’Europe ; la défense de nos intérêts communs dans le cadre d’une mondialisation aujourd’hui débridée.

Mes chers amis,
J’aborde ce référendum avec les convictions et le regard un peu singulier de ceux qui, en 1992, dirent « non » au traité de Maastricht, mais qui aujourd’hui sont décidés à voter « oui ».

Par cohérence intellectuelle et politique, je défends ce traité constitutionnel parce qu’il répond aux critiques que j’avais, avec d’autres, émises avec force au moment de Maastricht.

Qu’avions nous dit à l’époque ?

Trois choses :

que le traité de Maastricht avait été préparé dans un huis clos de technocrates, ce qui ne fut pas le cas cette fois-ci puisque des représentants de toutes les nations furent associés à la rédaction de ce traité constitutionnel ;

que le traité de Maastricht créait la monnaie unique sans définir les objectifs économiques et sociaux de l’Europe ;

qu’il ignorait les instruments indispensables à l’Europe politique.

Bref, que tout cela nous entraînait dans une Europe bureaucratique à vocation fédérale.

Sur tous ces points, la Constitution propose des avancées potentiellement décisives à condition que les européens s’en saisissent.

Sur le plan économique et social, elle définit pour la première fois la singularité du modèle de développement européen.

En insistant sur le principe de l’économie sociale de marché, en reconnaissant l’importance et la nécessité des mécanismes de protection sociale et - pour la première fois ! - des services publics, la constitution peut être l’acte fondateur de l’Europe sociale de demain.

Sur cette question de l’Europe sociale, il faut cependant être clair et juste : cette constitution présente un progrès significatif par rapport aux traités de Maastricht et de Nice, mais elle n’est pas l’antichambre d’un nouveau monde au sein duquel nous vivrons - comme dans la publicité « bounty » - d’amour et d’eau fraîche.

Inutile de raconter des « boniments » à nos concitoyens : cette constitution ne réglera pas, comme par miracle, le problème du chômage, elle n’évitera, comme par enchantement, les phénomènes de délocalisation. Ces défis ne relèvent pas des institutions, mais des stratégies nationales et européennes que nous mettrons en place pour faire de notre continent l’un des espaces les plus riches, les plus performants et les mieux formés de la planète. L’avantage de cette constitution, c’est qu’elle favorise précisément ces stratégies plus que ne le faisaient les précédents traités. Et elle les favorise au surplus dans le cadre d’une Europe élargie qui, progressivement, va conduire les nouveaux Etats, membres de l’Union, à adopter nos règles sociales ce qui limitera leurs capacités de concurrence « déloyale ».

Souvenez-vous, lorsque l’Irlande (en 1973), la Grèce (en 1981), l’Espagne et le Portugal (en 1986) ont rejoint l’Union européenne, ces pays n’avaient pas le même niveau de vie que nous et les salaires étaient largement inférieurs aux nôtres.

Certains criaient au danger et pronostiquaient des déséquilibres compétitifs mortels… Et bien, ce scénario ne se produisit pas. Ce sont ces pays qui se sont, pas à pas, adaptés à nous et aux règles du marché commun, et non nous qui nous nous sommes adaptés à eux !

Cette constitution et cet élargissement, sont donc un moyen d’organiser la concurrence dans des termes acceptables et équitables. A cet égard, j’ai tendance à penser que le « capitalisme sauvage » ne voterait ni pour cette constitution, ni pour l’élargissement, car ils sont les deux instruments d’une économie régulée et non livrée à elle même.

Mesdames et messieurs,
J’étais également hostile au traité de Maastricht, parce que la question institutionnelle n’était pas tranchée. L’économie était placée avant la politique ! Cet illogisme conduisait l’Union à un fonctionnement bancal. Aujourd’hui, un cadre politique est enfin proposé. J’enregistre cette avancée comme un progrès.

Cette constitution confère aux européens de nouveaux instruments pour endiguer la dérive technocratique. Elle ouvre enfin des espaces à la volonté démocratique des Etats et des peuples !

Le renforcement du rôle du Conseil européen (où siègent les responsables de chacune de nos nations) et au sein duquel le poids de la France est accru, l’affirmation du Parlement européen qui sera désormais amené à co-décider 90% de la législation européenne ce qui équilibrera le poids de la commission, la création d’un droit d’initiative populaire grâce auquel la pétition d’un million de citoyens européens obligera l’Union à agir, sont autant d’innovations en faveur de la démocratisation de l’Europe.

Mais surtout, le principe de subsidiarité est pour la première fois clairement défini : les compétences et les domaines d’intervention respectifs de l’Europe et des Etats membres sont circonscrits et les Parlements nationaux auront le pouvoir de contrôler les empiètements de la bureaucratie européenne. Ainsi, toute réglementation européenne sera obligatoirement réexaminée si le Parlement européen ou les parlements nationaux en décident !

Enfin je veux vous dire que j’étais contre Maastricht parce j’étais et suis défavorable à une Europe fédérale.

A la lecture de cette constitution, une question centrale n’a cessé de me poursuivre : cette constitution défait-elle le génie de la France ? Instaure-t-elle une Europe uniforme, qui battrait en brèche notre modèle social, étoufferait-nos coutumes, briderait notre voix internationale ?

A cette question importante, je réponds non !

Ceux qui prétendent le contraire n’ont pas vu le train de l’histoire passer.

Ils soulignent à l’envi les deux ou trois articles qui alimentent leur thèse en laissant de côté un facteur majeur, le facteur que tente d’ordonner cette constitution, le facteur qui change tout, le facteur qui met un terme au rêve d’une Europe totalement intégrée : celui de l’élargissement.

Au delà des arguties et subtilités juridiques, la réalité politique est la suivante : l’Europe élargie culbute bien des concepts autour desquels fut bâtie l’Europe d’hier, celle qui comptait 6 puis 12 membres. Nous entrons dans une nouvelle histoire politique dont nous allons devoir tracer les lignes, et cette constitution n’en est que le point de départ.

La possibilité de créer des coopérations renforcées - que la constitution confirme ! - est à cet égard essentielle : si certains Etats membres veulent demain aller plus loin dans certains domaines ils le feront sans exclure de l’Union ceux qui ne veulent ou ne peuvent se joindre à eux. Bref, cette Europe des coopérations renforcées, c’est l’Europe souple et efficace que j’ai toujours appelé de mes vœux !

Voilà les raisons pour lesquelles j’ai dit « non » autrefois et pourquoi je dis « oui » aujourd’hui.

Mesdames et messieurs,
Dans cette campagne, il faut éviter la caricature, tout comme il faut éviter de stigmatiser celles et ceux qui ont des doutes et des craintes. L’Europe n’a pas besoin d’être idéalisée pour être respectée pour ce qu’elle est : c’est à dire une aventure humaine, avec ses forces et faiblesses.

Cette constitution, je ne prétends pas qu’elle soit parfaite. Elle est un compromis entre le souhaitable et le possible. Qui peut d’ailleurs croire qu’il soit facile de faire vivre 25 nations ensemble et d’écrire des règles de fonctionnement communes ?

Personne !

La vérité est que la construction de l’Europe est une entreprise complexe, faite de compromis, d’arrangements, de nuances.

Ceux qui vous disent «  la constitution est trop compliquée, trop longue, trop équivoque», confondent un texte destiné à organiser l’unité de 400 millions d’habitants avec une notice pour préparer des pâtes lustucru !

Ceux qui vous disent que cette constitution est de droite ou de gauche, ou qu’elle est trop libérale, font mine de croire que ce document à vocation à dicter la politique de chacun de nos Etats. Or c’est faux !

Cette constitution n’est qu’un cadre institutionnel, recensant les principes fondamentaux de l’Europe tels que nous les connaissons depuis 40 ans.

Ce cadre sera ce que les nations en feront !

A ce que je sache, la constitution française de 1958, n’a pas interdit aux gaullistes, puis aux libéraux, puis aux socialistes de gouverner et d’engager les politiques qu’ils voulaient engager !

Quant aux règles européennes, elles n’ont pas interdit à la gauche de mettre en oeuvre l’absurdité des 35 heures, et cette constitution ne leur interdira pas de passer aux 33 heures si cette envie démagogique venait à son esprit.

Ces mêmes règles ne m’ont pas interdit de réformer les retraites en exigeant des salariés du public qu’ils travaillent deux années de plus afin que l’égalité soit assurée avec les salariés du privé. Elles ne m’ont pas interdit de réformer l’Education nationale, et m’obligent encore moins à céder à tous les conservatismes catégoriels.

Sur cette question de l’Ecole, je veux vous dire que rien ne stoppera ma détermination. Depuis trop longtemps, on hésite, on recule, on cède au premier mouvement de grève…

Moi, j’ai décidé d’avancer. Le droit de manifester d’une infime minorité, n’autorise pas celui d’interdire à la majorité des lycéens d’étudier et de préparer leurs examens. La tolérance républicaine à des limites ! C’est pourquoi j’ai donné instruction pour mettre un terme aux blocages des lycées.

Cet aparté sur l’Education Nationale me permet de rappeler que si la politique française ne doit pas être ignorante des règles européennes, elle n’en est pas dépendante. Je rejoins là une idée cardinale : le sort de l’Europe dépend de la force des nations qui font l’Europe. C’est dire que la France ne peut peser et imposer ses vues au sein de l’Union que si elle se modernise et se retrousse les manches. Depuis trois ans nous avons fait bouger la France, nous avons imprimé d’autres valeurs : celle de l’autorité républicaine, celle du travail, celle de la responsabilité sociale… Mais beaucoup reste encore à faire pour replacer notre pays sur les rails du progrès économique et social. Plus que jamais, l’heure est à l’audace politique et intellectuelle.

Je ne suis pas de ceux qui s’ébahissent devant l’Union européenne, en donnant le sentiment de tout attendre et tout espérer d’elle. Si notre pays a besoin de l’Europe, ça n’est pour s’agripper à elle comme à une bouée de sauvetage, mais parce qu’il a vocation à affirmer sa puissance et son originalité dans l’Europe. Je veux l’Europe, mais avec la France à sa tête !

Mesdames et messieurs, Mes chers amis,
A l’évidence, la bataille sera serrée, car le camp du non est hétéroclite et procède comme une « voiture balais ». Quiconque est insatisfait, peut trouver dans le « non » une façon d’assouvir son courroux. La somme de ces courroux ne fait naturellement pas un projet alternatif, tout au plus favorise-t-elle le statu quo.

Car nul ne doit s’y tromper : dire « non » à cette constitution, ce n’est pas dire oui à une autre Europe, c’est, en réalité, plus piteusement, valider le statu quo actuel, c’est à dire le traité de Nice, dont chacun s’accorde à penser que depuis l’arrivée de dix nouveaux pays européens il ne peut être que synonyme de paralysie institutionnelle. Bref, l’Europe en restera à tout ce que les partisans du « non », à tort ou à raison, rejettent !

Ceux qui tirent des plans sur la comète en prétendant que tout pourrait être réécrit dans l’hypothèse d’une victoire du « non » racontent des histoires. Après le « non », il n’y aura pas d’après avant longtemps…

Dans cette hypothèse, qui élabora une autre constitution ? Qui proposera aux 24 autres Etats européens un nouvel élan ?

L’extrême gauche, qui rêve d’une Europe marxiste ?

L’extrême droite, qui ambitionne de boucler les frontières ?

Emmanuelli, qui envisage une Europe ultra socialiste ?

Fabius, qui aspire à une Europe fédérale ?

Si le « non » l’emportait, je ne vois qu’une solution : mettre dans une même pièce Arlette Laguillier, Le Pen, Emmanuelli, Fabius en leur demandant d’écrire une nouvelle constitution qui, je n’en doute pas, sera très claire et très utile à la France…

Bref, avec le « non » il n’y aura pas de lendemain enchanteur.

Vous l’aurez d’ailleurs remarqué : les leaders du « non » sont très loquaces sur la constitution mais bien silencieux sur les conséquences de son éventuel rejet.

Ils disent, ce « sera un électrochoc » ! Ca c’est sûr ! Ce sera même un court-circuit qui, comme les électriciens le savent bien, n’augmente pas les watts mais fait fondre les plombs.

Je dit aux tenants du « non », que le choix qu’ils feront le 29 mai sera légitime comme dans toute consultation démocratique, et je ne prétends pas qu’il n’y ait d’autre choix qu’une approbation sans réserve, sans questionnement et sans conditions.

Si la France refuse la ratification du projet de constitution, ce ne sera pas « l’apocalypse », mais, que nul ne s’y méprenne, les conséquences seront lourdes. Le processus de ratification s’arrêtera net dans toute l’Union car on ne fait pas l’Europe sans la France ; beaucoup d’Etats trouveront dans la Grande Bretagne un nouveau leadership plus à l’écoute de leur volonté de faire de l’Europe une simple zone de libre échange. Bref, ce sera un coup dur porté à l’Europe française. Quant à l’image qui sera envoyée de notre pays vers ses partenaires, je crains qu’elle ne soit peu reluisante : ce sera celle d’une France hésitante et crispée, une France cédant au vertige du désordre politique. Pour tout dire : le non sera, à tort ou à raison, interprété comme le symptôme du « mal français », comme le signe d’une faiblesse nationale.

A tous ceux qui pensent voter « non », je leur dis donc de bien mesurer leur choix.

Je leur dit que cette constitution n’est que le point de départ d’une nouvelle histoire européenne à écrire et non pas le point d’arrivée de l’Europe d’hier.

Je leur dit qu ‘on ne peut, à la fois, ressusciter les arguments qui prévalaient contre Maastricht, dénoncer les dérives et les échecs de l’Europe d’aujourd’hui, et refuser dans le même élan la « boîte à outils » qui permettra précisément de construire une autre Europe !

Si vous êtes contre la technocratie européenne, si vous pensez que l’Europe ne doit pas être qu’une vaste de zone de libre échange, si vous voulez une Europe plus politique et plus respectueuse des citoyens, c’est l’occasion d’en changer en votant « oui » ! La constitution offre les moyens du changement. Ces moyens, il faut s’en saisir !

Mes amis et chers compagnons,
Dans cette campagne référendaire, l’UMP est évidemment observée et attendue… Dans la bagarre qui s’annonce, chacun sent bien que beaucoup dépend de nous.

Avec le Président de la République, avec Nicolas Sarkozy, l’heure est venue de hisser notre pays au niveau d’un enjeu historique sur lequel l’UMP ne badine pas : celui de la France dans l’Europe et non à côté, pour ne pas dire en dessous.
Notre devoir est clair, il est net : il faut hisser au cœur de l’Europe élargie – cette « grande Europe » dont le Général de Gaulle pressentait l’avenir - le drapeau de la France.

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25 janvier 2005 2 25 /01 /janvier /2005 18:39
Chère Simone Veil,
Mesdames et messieurs,
Elèves du lycée Eugène-Delacroix,

Vous allez entendre le témoignage de Mme Simone Veil, ancien ministre, ancien président du Parlement Européen, ancienne déportée au camp d’Auschwitz. Auprès de ses mots, les miens paraîtront faibles. Et pourtant, si tous les discours n’ont pas la même force, ils ont tous la même vérité.

En août 1941, les bâtiments inachevés de la cité de la Muette, à Drancy, sont transformés en un camp hérissé de barbelés et de tourelles. Le 20 août, plus de quatre mille prisonniers descendent des cars pour y être internés. Plusieurs sont soupçonnés de résistance. La très grande majorité sont des juifs français et étrangers. La première nuit, ils dorment sur le ciment nu. Inquiets par ce qu’ils croient être une large opération de police, ils ne désespèrent pas immédiatement de leur sort. Le lendemain, ils sont toujours là. Trois jours plus tard, ils ont faim. Trois mois plus tard, ils ont froid. Le 22 juin 1942, 900 prennent le premier train pour Auschwitz, dont ils ne reviendront jamais.

Pourquoi ce rappel aujourd’hui ?

Parce qu’il y a soixante ans, le 27 janvier 1945, les troupes alliées découvraient, stupéfaites par tant d’horreur, le camp d’Auschwitz, symbole de la Shoah.

Parce que Drancy représente, sur notre sol français, l’un des chaînons du système concentrationnaire ; un chaînon qui n’est pas étranger à la politique antisémite développée par le gouvernement de Vichy.

Parce que l’extermination des juifs européens n’est pas seulement une question allemande.

Parce que la révélation des camps a été le traumatisme de l’après-guerre.

Et, enfin, parce que soixante ans plus tard, nous sommes toujours convalescents d’un tel choc. Au cœur de l’Europe, enfants, vieillards, femmes et hommes, furent, déportés, esclavagisés, affamés, gazés, puis brûlés : face à cette tragédie nous ne sommes pas et ne pourrons jamais être guéris de la Shoah. Ce drame ne suscite pas qu’une aversion dégoûtée à l’égard de la barbarie nazie, elle est un miroir vers lequel chacun d’entre nous est renvoyé. Car, derrière la folie meurtrière de Hitler, derrière la responsabilité d’un régime destructeur dont tout un peuple suivit les mots d’ordre, il y a la question du mal absolu, ce mal vis à vis duquel aucun homme, aucune nation, ne sont définitivement prémunis.

La Shoah est encore à mi-chemin entre mémoire vivante et histoire. Des survivants sont encore là pour témoigner, mais leur nombre s’amenuise, et bientôt ne resteront que les images, les écrits, les livres d’histoire. Lorsque la voix de ceux qui ont vécu cette tragédie se sera éteinte, serons-nous prêts à prendre le relais de leurs paroles, de leur mémoire ? Ce jour là, nous devrons être capables de trouver les mots pour dire à nos proches, à nos enfants, « écoutes-moi et réfléchis car cela a existé » !

Lycéens, nés dans les dernières années du siècle, vous êtes jeunes encore, et vous vous croyez peut-être indemnes du passé. Tous, pourtant, vous avez déjà rencontré, parfois tout près de vous, des actes ou des déclarations antisémites - cette monstrueuse déviance de la pensée qui consiste à croire à des « races », quand il n’y a que des cultures ; à établir des « hiérarchies » entre les hommes, quand il n’y a que des différences. Pensez à ces insultes, à ces graffitis. Remontez à leurs sources. Interrogez-vous sur les courants de pensée qui inspirent ces phénomènes récents. Combien en trouverez-vous, qui nouent avec l’antisémitisme nazi des liens souterrains et odieux !

Voyez ces individus qui peignent des croix gammées sur les tombes renversées des cimetières juifs. Ils ont parfois votre âge ! En arrivant à Auschwitz, Simone Veil, avait, elle aussi, 16 ans. Quant aux 44 enfants d’Izieu, raflés dans la banlieue lyonnaise, ils n’avaient pas, pour la plupart, 12 ans.

Vous êtes, adolescents d’aujourd’hui, concernés par les résurgences de l’antisémitisme et du racisme ! Parce que votre jeunesse ne peut se défendre seule, la République française engage tous les jours le combat en votre nom. Elle le fait dans la loi, qui punit les actes racistes et antisémites, l’apologie des crimes contre l’humanité, et leur négation. Elle le fait à l’école.

Ce 27 janvier sera pour l’Europe entière la Journée de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention du crime contre l’humanité. J’ai demandé que dans tous nos établissements scolaires, elle soit commémorée avec intensité. Dans chaque classe une heure de cours y sera consacrée.

Etape forte, étape symbolique, cette journée ne représente toutefois qu’une partie de notre action. Fidèle à sa mission, l’éducation nationale mène un combat permanent contre l’intolérance. Ce travail contre l’oubli, chacun d’entre vous l’a préparée à sa manière, dans sa classe : les uns en visitant des expositions ; les autres en constituant des dossiers, en écoutant des témoignages, en regardant des films et des documentaires comme le bouleversant Shoah, de Claude Lanzmann, dont j’ai personnellement demandé qu’il soit diffusé dans tous les

lycées de France ; certains peut-être en se rendant sur des « lieux de mémoire », ces endroits où la douleur de l’Holocauste frémit encore, palpable et bouleversante. Vous l’avez fait en esprits libres, soucieux de forger en conscience un regard juste sur le monde. A chacun selon son âge, l’école a fourni les instruments de sa propre vigilance, et je salue ici l’engagement de vos enseignants et, à travers eux, celui de toute la communauté éducative.

La France est une vieille nation. Les heures de gloire et de fraternité côtoient les heures d’échec et de bassesse. Un grand peuple accepte son histoire telle qu’elle fut. A l’école de la République, l’histoire ne doit donc rien renier.

Accepter l’histoire, c’est d’abord accepter de parler. Vous savez peut-être que les générations de vos parents et de vos grands-parents n’évoquaient pas la déportation et les camps comme nous le faisons aujourd’hui. La stupeur décourageait leurs mots. Le souvenir trop présent des piles de corps décharnés, des yeux morts, des tatouages noirs sur les peaux grises restait pour eux si proche qu’il en devenait indicible. Quelques uns élevaient la voix : on s’abstenait de les entendre, pour pouvoir recommencer à vivre. Croyez le : il a fallu de grands témoins pour lever, mot après mot, ce linceul de silence.

Accepter l’histoire, c’est aussi accepter de dire ce que, trop longtemps, la honte a retenu dans nos gorges. Oui, jusqu’en juillet 1943, les gardiens de Drancy étaient des français. Oui, les collaborateurs vichystes ont prêté la main au crime.

Le Président de la République, en 1995, a trouvé des mots courageux pour reconnaître cette faute collective, dans toute sa sombre gravité.

Accepter l’histoire, c’est ne pas renâcler devant le travail constant que la mémoire exige. Au cours des mois et des semaines qui précèdent, l’école de la République vous a demandé d’y pendre part. Vous à qui la jeunesse sourit, vous à qui l’indifférence serait si commode, vous avez accepté de tourner vos esprits vers ce passé de cendres et de brumes. Cette attitude vous grandit.

Pourtant, ce devoir de mémoire n’est jamais achevé. Et si la visite à Drancy couronne symboliquement votre travail, elle ne lui donne pas fin.

A travers vous, c’est à toute la jeunesse de France que je m’adresse.

Vous êtes aujourd’hui à Drancy. Soyez demain à Pithiviers, à Compiègne, à Beaune-La-Rolande, et dans les autres camps de transit en zone occupée. Suivez demain ces fils conducteurs de notre histoire contemporaine que furent les rails d’acier des chemins de fer nazis. Faites un jour, comme je l’ai fait il y a quelques années avec Simone Veil, le voyage poignant d’Auschwitz. Soyez un jour à Treblinka, à Maidanek, à Sobibor.

Alors, vous serez prémunis contre un mal - celui de la haine et de la destruction de l’autre - qui court encore par notre monde.

Accepter l’histoire, c’est enfin rendre leur place à ceux qui ont trouvé le courage d’agir ; ceux qui, abritant les proscrits, bravant les milices et la gestapo, organisant évasions et transferts, ont sauvé quelques poignées de vies.

Certains étaient des résistants, engagés dans un combat résolu. Leur héroïsme fut éclatant. Tant d’autres, anonymes, occupés simplement de survivre, ont vu le drame juif surgir un beau matin dans leur cour, dans leur ferme, dans leur immeuble, sous la forme d’un évadé, d’un condamné, d’un orphelin. Ils lui ont donné asile. Ils ont eu l’héroïsme discret du quotidien. Ils furent appelés, les "Justes".

Leur souvenir nous le rappelle : la responsabilité du décideur politique ne dissipe pas celle du citoyen. Condamner les dignitaires nazis, Hitler, Goering, Heydrich et leurs supplétifs vichystes, est une évidence. Elle ne nous dispense pas de poser la question éternelle : Qu’aurais-je fait alors ? Aurais-je su dire non ?

Aujourd’hui, des femmes et des hommes remarquables, qui ont vécu cette période, sont là pour vous apporter leur réponse. Un jour, ils disparaîtront.

Que répondrons-nous alors à ceux qui, par le doute, par la haine, misant sur l’oubli, voudront nier la réalité des crimes nazis ?

Nous ne leur répondrons pas par le silence.

Nous ne leur répondrons pas par le mépris.

Nous tournerons contre eux la force de la mémoire.

Un jour, vous serez les meilleurs témoins de ce passé que vous n’avez pas vécu, mais dont vous percevez la profondeur humaine et historique. Aujourd’hui, vous allez parcourir le « fer à cheval », cette cour de sinistre mémoire. Vous allez voir. Vous allez toucher les murs contre lesquels les prisonniers d’hier ont appuyé leurs épaules maigres, et leurs fronts inquiets. Peut être entendrez-vous, au fond de vous mêmes, leurs souffles courts et leurs plaintes. Ils n’étaient que des femmes et des hommes comme nous ; comme vous, il y avait des jeunes qui n’aspiraient qu’à vivre en paix, rire, aimer.

Dans soixante ans, lorsqu’on vous interrogera, témoignez à haute voix, dites ce que vous avez vu, ressenti, appris : vous parlerez pour eux, pour ces adolescents qui avaient le même visage et les mêmes rêves que vous. Fidèles à leur mémoire, vous serez ainsi fidèles à l’honneur de l’Homme.

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23 janvier 2005 7 23 /01 /janvier /2005 18:38
Madame, Monsieur le député-maire, Mesdames et messieurs,

Au moment d’inaugurer la nouvelle école maternelle et primaire de Saint-Mandé, et de lui donner les noms conjoints de Germaine Tillion, grande résistante, et de sa mère Emilie, déportée, deux sentiments se disputent mon esprit. Le premier, c’est évidemment la joie d’ouvrir un nouvel établissement ; le second, la gravité que les circonstances particulières de cette cérémonie associent au patronage exemplaire sous lequel il est placé.

Ouvrir une école est sans doute le geste le plus stimulant qui soit : c’est une nouvelle porte qui s’ouvre sur l’avenir ; une porte que vous avez, monsieur le maire, largement contribué à édifier. Vous le savez : l’effort d’équipement reste, malgré les contraintes budgétaires, une priorité gouvernementale ; et je dirais même une priorité nationale, tant la population française attache d’importance au modèle républicain de l’école; aux valeurs qui la sous-tendent, égalité des chances, respect de l’autre, promotion de l’individu et du citoyen ; à la qualité de l’enseignement dispensé.

On entend souvent parler des classes que les circonstances démographiques conduisent à réduire ou à fermer, pas assez de celle que l’effort conjoint de l’Education nationale et des collectivités locales permet d’ouvrir. Nous en ouvrons pourtant, régulièrement, en France.

Nous contribuerons à en ouvrir également - permettez-moi ce parallèle - en Asie du Sud, où la catastrophe récente a créé des besoins qui dépassent à tout point de vue nos propres notions de nécessité ou d’urgence. Pour les enfants survivants, une rescolarisation rapide s’impose comme la première des guérisons, comme le plus encourageant des paris sur l’avenir. C’est pourquoi, j’ai engagé l’Education nationale française, aux côtés des autres ministères européens, dans une action de moyen terme destinée à accompagner concrètement cette rescolarisation.

C’est un même engagement sur l’avenir que nous prenons aujourd’hui à Saint-Mandé, en ouvrant aux 87 enfants qui l’occupent déjà, à tous ceux qui les suivront, l’élégant bâtiment où s’effectuera désormais leur éducation maternelle et primaire. Il répondait à des besoins réels, que la croissance du quartier nouveau de la ZAC Sainte-Marie venait accroître. Conçu par l’architecte Radu Constantin, complété par un centre de loisirs, il a été confié dès la rentrée 2004 à une équipe de 9 enseignantes. Ses effectifs prouvent qu’il est d’ores et déjà adopté par la population locale - et c’est une heureuse chose !

Nous le plaçons aujourd’hui avec fierté, avec solennité, sous le double patronage d’Emilie Tillion et de vous-même, Madame, qui nous faîte l’honneur d’être présente.

En ce 27 janvier, jour anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, date choisie par l’Europe entière pour commémorer la Shoah, ces deux noms jumelés ravivent le souvenir de l’expérience terrible que Germaine Tillion et sa mère, Emilie, partagèrent : celle du système concentrationnaire nazi.

Trahies, dénoncées, arrêtées ensemble le 13 août 1942 ; d’abord séparées ; brièvement réunies à la prison de Fresnes, mère et fille ne se retrouvèrent en effet qu’à Ravensbrück, où Emilie Tillion fut assassinée le 2 mars, deux mois avant la libération du camp.

Ensemble, elles auront plongé dans ce que l’histoire européenne a produit de plus sombre, de plus indicible, de plus révoltant : la haine abjecte, tournée vers les juifs dont les origines et les coutumes étaient l’unique tort, mais aussi vers les résistants ; la volonté méthodique de tuer, par la fatigue, par les coups, par les balles, par le gaz ; l’avilissement de l’homme érigé en doctrine, en mot d’ordre, en exercice d’acharnement quotidien.

Le souvenir de ces années, le témoignage inappréciable de leurs acteurs nous engagent aujourd’hui à une constante vigilance. L’école de la République doit en être la sentinelle. En cette journée de la mémoire de l’holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité, j’ai demandé qu’aujourd’hui, dans toutes les Ecoles de France, dans chacune de ses classes, une heure soit consacrée à la shoah.

Si les noms d’Emilie et de Germaine Tillion sont aujourd’hui inscrits au fronton d’une école, c’est bien entendu parce que leurs vies ont dépassé la souffrance, l’horreur, le sacrifice, pour devenir messages d’humanisme.

En reconnaissant une nouvelle fois l’exceptionnelle conduite d’Emilie et Germaine Tillion, nous reconnaissons d’abord deux résistantes, l’une, Germaine, cofondatrice dès juin 1940 du célèbre réseau clandestin du « Musée de l’Homme », animatrice du renseignement et de la propagande anti-nazie ; l’autre, Emilie, qui la suit sans réserve dans cette dangereuse entreprise.

Elles perpétuèrent ainsi, au péril de leur vie, les valeurs de liberté, de fraternité et d'honneur qui sont les nôtres.

Mais nous reconnaissons aussi, et c’est ce qui donne un sens à l’hommage particulier que l’Education nationale leur rend, deux femmes pour qui la pensée n’avait pas moins de force que les armes.

Emilie Tillion, critique d’art, auteur de guides de voyage, consacra sa réflexion à cette beauté par laquelle l’homme s’ouvre aux autres et à leurs cultures, tout en y reconnaissant sa propre humanité.

Pour votre part, madame, diplômée de l’Ecole pratique des hautes études, de l’Ecole du Louvre, de l’Ecole des langues orientales vivantes, élève de Marcel Mauss, le grand ethnologue de l’Ecole des Annales, votre personnalité comme votre trajectoire personnifient le sens de l’indépendance intellectuelle et le pouvoir libérateur du savoir et de l’étude. Elles exaltent la transmission, à travers une carrière professorale magnifique qui la conduira jusqu’à une chaire d’ethnographie, et à la direction honoraire de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Depuis le cabinet du ministre André Boulloche, elle l’étend jusqu’au public marginalisé des prisons.

Dans les camps nazis, là où s'orchestraient la haine et la brutalité, Germaine Tillion remporta les plus belles victoires de l’esprit. Ses tortionnaires l’avaient dépossédée des documents qui constituaient sa thèse sur les Chaouïas, un peuplement berbère d’Algérie. Elle les reconstitua de mémoire, dans ses conversations avec ses camarades. Les nazis imposaient un système arbitraire, dont l’opacité décourageait toute révolte. Elle y répondit en développant notamment une véritable ethnographie des camps et en l’enseignant autour d’elle. La tentation était forte, parmi les prisonnières, de n’éprouver que l’absurde de leur sort. Germaine Tillion, à force d’en observer les mécanismes, d’en décrypter la logique, mit à jour ses ressorts démoralisateurs, et trouva dans l’analyse même de la barbarie nazie l’énergie d’y résister.

Appelée à la barre des procès de Nuremberg, elle perpétuera cette victoire morale dans les dix années qui suivirent la guerre par les volumes de plusieurs ouvrages, continuation magistrale de son témoignage sur l’Holocauste.

Résistante historique, Germaine Tillion s’impose enfin à notre admiration par un esprit de générosité qui va bien au-delà de ces heures noires. Je pense ici à cette succession de luttes, moins meurtrières, mais tout aussi ferventes, que fut sa vie d’intellectuelle, de chercheuse, de militante, de femme perpétuellement engagée. Sa connaissance admirable du Maghreb, acquise dès l’avant-guerre dans les Aurès, fait d’elle une avocate inlassable de la cause des femmes méditerranéennes, de la décolonisation, du développement économique par l’émancipation et par l’éducation. Défenseur des droits de l’homme, elle lutte contre la peine de mort et contre la torture, avec la détermination de celle qui les a approchées de trop près pour en être restée indemne. Oppression, pauvreté, obscurantisme : elle est sur tous les fronts où la grandeur de l’homme exige de dire « Non ».

La France a déjà reconnu, par des distinctions nombreuses, la noblesse de cet engagement et de ces combats. Germaine Tillion est l’une des très rares femmes - elles étaient trois ; depuis la mort de Geneviève Anthonioz-de Gaulle, elles ne sont plus que deux - à avoir reçu la Grand Croix de la Légion d’Honneur. Elle partagera aujourd’hui avec la résistante Lucie Aubrac l’honneur tout aussi exceptionnel de voir baptiser à son nom, de son vivant, un établissement public. Je ne doute pas qu’elle soit sensible à cet hommage, autant, sinon plus qu’au premier.

Car c’est dans les écoles, plus que dans les médailles, que la vie manifeste son inépuisable vigueur. Portées elles-mêmes autrefois par cet esprit de jeunesse que fut l’esprit de la Résistance, Germaine Tillion et sa mère en seront les figures tutélaires.

Madame, dans cet établissement, chaque enfant portera désormais en lui un peu de votre vie.

L’histoire, il y a soixante ans, accumulait contre toute raison les cruautés les plus atroces.

Grâce à vous, Madame Tillion, grâce à celles et ceux qui, à votre image, se dressèrent pour l'honneur de la France et des Hommes, des enfants libres peuvent aujourd’hui, à Saint-Mandé, comme partout sur notre territoire, vivre, apprendre, grandir en paix.

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